mardi 7 octobre 2008

Rebecca - Alfred Hitchcock



Ce qu'il y a de génial, c'est cette femme qu'on ne voit jamais, mais dont on parle tant, sorte de masse solide de temps, passé permanent. Rebecca, dont l'initale est R - air - brodée partout dans le domaine de Manderlay. Manderlay est un lieu bâti sur le mensonge d'un grand amour. Il ne faut jamais en parler mais sa trace est là, qu'on ne peut effacer ni même déplacer : on suit les consignes à la lettre. Un passé tabou tellement travesti, qu'il ne peut laisser place à quelque présent nouveau - présence nouvelle. Le mensonge (et l'effort du mensonge) a rendu cet amour infini (par volonté de se méprendre sur sa fin).

La nouvelle épouse du maître des lieux, lequel est nommé Winter - hiver, froid, glace, gel - est accueillie dans le domaine par une horde de spectres qui ne cessent de lui rappeler qu'elle ne ressemblera jamais assez à la morte, l'autre, la première, la noyée - horde de spectres ou domestiques, représentants d'un vieux monde, dont les costumes noirs semblent être portés pour un enterrement permanent. Jusqu'à ce jour du bal masqué, où, sur les conseils de la vieille servante, amoureuse de Rebecca, la nouvelle épouse copie le costume d'un tableau représentant la défunte, accroché dans l'escalier. Alors, tout se soulève, tout se renverse. En touchant à l'image, en approchant la ressemblance, en copiant le modèle, la vérité resurgit. Le désir de la vérité. Le bateau qui contient le corps de Rebecca est soulevé du fond des eaux : il y a eu meurtre. Mais pas tout à fait. Le mensonge aura été le refus d'affronter toute la complexité de la vérité. Il n'aura recouvert que ce qu'on croyait être vrai. Rebecca, mourante, désirait mourir vite, et poussa Winter au meurtre pour ne pas souffrir.
Folie de ces longs couloirs, de ces hautes pièces pleines de faux-semblants, de courants d'R. Peut-on aimer deux fois ? Quelle place pour le deuxième amour ? Eblouissant.

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