Mizoguchi est un cinéaste de la nuit. Certains des plans de ce film sur un amour fou sont tournés à la limité de l'obscurité. Ainsi ces corps amoureux (ou en attente d'aimer) sur une barque la nuit - corps fuyants, courant vers la mort, point ultime de l'incarnation de leur amour. Ainsi ces rencontres nocturnes dans les ajoncs, ces torches fouissant dans le lac à la recherche d'amant disparus et enlacés. Mizoguchi explore les limites. Il ose la quasi invisibilité de l'action. Il s'attaque à l'écran noir - et laisse ainsi se diffuser, dans la salle noire, l'histoire. Au spectateur de deviner. Mizoguchi franchit les interdits. Ses personnages aussi. Cette femme franchira le tabou social pour aimer vraiment. Et l'employé franchira les limites légales pour révéler son amour à cette femme. Le film est là pour cette raison : quelque chose dans le monde vient d'être déplacé. Même légèrement. Mais quelque chose a bougé. La caméra de Mizoguchi capte ce mouvement, ce franchissement, et le filme comme un exploit, comme ce qu'il y a de plus humain dans l'humanité.
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