lundi 6 octobre 2008

Odete - Joao Pedro Rodrigues



Gros plan - baiser - deux visages confondus qui semblent se manger.
Plus loin, Rui se souvient du soir où il a rencontré Pedro. Il raconte à Odete. La caméra s'approche de lui, exclut Odete du champ (ils étaient côte à côte), s'approche de ses lèvres, de la cigarette qu'il allume, droite, face à nous. Odete, pendant ce temps, s'est déplacée - face à lui. Elle veut lui apparaître - comme le passé - elle est entrée dans le champ de l'histoire qu'il racontait. Histoire sans cesse éteinte, parfois resusscitée.
Ces mots de Rui à Pedro, qui vient de lui dire "je t'aime" : "ça reste à prouver" - l'amour toujours en jeu des amants qui s'inventent.
Odete est une femme vampire. Costumée en vendeuse de supermarché, magnifiée par ses patins à roulettes, attribut moderne et sexy, dévoilant la longueur de ses jambes et la grâce de leur mouvement, prisonnières d'un short. Femme vampire, pour qui tout est attribut. Même la vie des autres, même les morts, qui derrière eux ont laissé une place vide. Odete devient l'autre. Elle gît à la surface d'une tombe. Elle porte un enfant qui n'existe pas - qui n'existe que selon son désir.
Personnage moderne aussi, en quête d'une place sociale - ou amoureuse : c'est ici la même chose. En quête d'une mère qui n'est pas la sienne, d'une chambre qui n'est pas à elle. Elle vivait au sous-sol, et Pedro à l'étage. Elle prend la chambre de Pedro comme pour sortir de terre.
Voleuse, signant un chèque sans provision pour la poussette d'un enfant dont elle n'accouchera pas. Désirs et sens se confondent : elle touche des vêtements d'enfant, et ce n'est pas seulement le tissu qu'elle sent, mais son désir. La maternité, façon de s'approprier une vie de plus. Le vent, la pluie - signes d'un monde en parfait écho aux désirs - la pluie tombe pour laver le visage de Pedro ensanglanté, le vent souffle quand Odete sent en elle le besoin de changer, soufflant sur son être-fantôme pour laisser la place libre à l'incarnation suivante. Vertige dans le cimetière face à l'infinité des vies laissées. Toutes ces peaux.

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