Simple et magnifique.
Trop simple peut-être. J'aimerais que Garrel lutte un peu. C'était aussi le problème des Amants Réguliers. L'arrêt de mort posé sur la fiction, la fin brutale et tragique (mais quand on lit les tragédies, on sait que le tragique est une musique, presque une joie - la joie d'excéder ; il me semble que le tragique de Garrel est paresseux (je parle de ses fins uniquement)). J'ai eu cette affreuse impression de voir le film d'un homme mort - tout le contraire du Bonello, qui a choisi de rester vivant.
Pourtant, j'ai été ébloui par La frontière de l'aube. Dès que Garrel touche à cette frontière, son film me bouleverse. Quand il s'en échappe, il m'apitoie.
C'est un film en deux temps. Le premier, sorte de temps mythique, contaminera le second jusqu'à l'impossibilité de sa présence. Garrel raconte la façon dont les vivants portent en eux la vie des morts, jusqu'à négliger la leur.
La frontière de l'aube est composé d'instants très brefs, et la continuité du film nous donne à voir l'inconciliabilité de ces instants. Un portrait de femme fait de bris, d'éclats, qu'on ne parvient pas à mettre ensemble. Garrel nous donne à penser le hors-temps de son film, mystère de la vie solitaire et muette des êtres. La photogénie semble être le seul lien. C'est bien la même Laura Smet, qu'on voit d'une scène à l'autre, et pourtant toujours quelque chose échappe, un insondable, un autre définitivement trop autre. Garrel n'explique pas : il retient. C'est un film mémoire (on pense à New Rose Hotel de Ferrara, à Un amour de Swann de Proust, à Lost Highway de Lynch) - le récit est poreux, les instants passés ressurgissent, déformés, pris sous un nouvel angle. On y voit des visages inclinés (beaucoup de scènes de lit, de canapé, ou de plancher), des corps qui ne tiennent pas, qui basculent. François, le personnage principal, est photographe, et il est ici beaucoup question d'impression. De noir et blanc aussi - de la façon dont le blanc de l'image présente est le lieu où peuvent s'imprimer les images passés, jusqu'à l'écran noir. La frontière de l'aube est comme une réponse à L'homme de Londres de Bela Tarr. Même pessimisme et même magistral aplomb.
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