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lundi 7 février 2011

Chasse à l'homme - Man Hunt - Fritz Lang

En 1941, il n'y avait qu'un film à faire, et c'était celui-là. Fritz Lang a parfaitement senti les valeurs dont le monde avait besoin : le courage et la résistance à l'oppression.


L'oppression, le cinéaste sait la mettre en scène. A ses trouvailles visuelles, à son sens si particulier du détail, à son expressionnisme spatial, il ajoute le son. Un son très pur, sans réalisme : un grand silence que quelques bruits bien distincts viennent percer. Le son n'est pas décoratif, ni même illustratif, il est une dimension supplémentaire de l'attention que les personnages doivent porter à leurs propres actes pour ne pas être pris. S'ils parviennent à se fondre dans l'ombre d'un escalier, ils doivent aussi faire taire la jeune fille qui passe et se met à crier. Une mécanique paranoïaque se met en place de façon très habile, et (c'est là que Lang me semble bien supérieur à Polanski par exemple) les personnages font tout pour l'enrayer (le personnage polanskien, plus dépressif, se laisse plus facilement broyer par la mécanique).


Le héros de Man Hunt n'est pas vraiment un héros. Il le devient. Il le devient après deux rencontres fondamentales qui vont changer sa vie, et rendre sa bravoure un peu fanfaronne d'aristocrate anglais plus utile. On le voit d'abord tirer à blanc sur Hitler. S'il avait mis une balle, il l'aurait tué. Grisé, il met une balle, mais alors il se fait prendre. Après avoir été torturé pour signer un papier qu'il refusera de signer (où il était mentionné que le gouvernement anglais l'avait commandité pour tuer Hitler), il parvient à s'échapper. Il embarque à bord d'un navire. Un jeune mousse de dix ans l'aide à se planquer. Première rencontre importante.
La deuxième est une femme. De retour à Londres, l'homme s'aperçoit qu'on le poursuit encore. Il se cache chez cette femme, qui usera de tout son courage et de tout son amour, sans même savoir ce qu'il a fait ni pourquoi on le poursuit, pour qu'il ait la vie sauve. Cette femme est d'une classe bien inférieure à la sienne. Elle pourrait profiter de lui et elle ne le fait pas. Sa modestie est d'ailleurs la raison de la survie de l'homme : parce qu'elle choisit, pour cadeau, une broche chromée en forme de flèche, et non un coeur serti de diamants, l'homme aura la vie sauve. Et, d’homme traqué, il devient homme révolté. Grand film.

mercredi 12 novembre 2008

Le démon s'éveille la nuit - Clash by night - Fritz Lang



Certainement pas le meilleur film de Fritz Lang (de toutes façons sa période hollywoodienne n'est pas bien fameuse), très condescendant, rassurant, formaté (le propos sur le mariage, la maternité, la responsabilité - la vision de l'homme aventureux comme un adolescent attardé), mais tout de même très habile dans sa façon de poser un lieu, un climat, une ambiance.

Ici, une ville de pêcheurs. Vers six heures, les femmes se lèvent et sortent en silence dans la rue pour se rendre à l'usine dépioter les poissons. La nuit, les hommes sont en mer. L'ambiance est délétère. La misère omniprésente. Quelque chose d'inhumain. De trop protégé. De plus du tout animal. Le travail, l'argent, la maison, la soupe, la femme pour les vieux jours, le bébé. Tout est en ordre. Et quand il manque quelque chose, c'est forcément une des choses citées ci dessus. Rien ne dépasse. Pas de place pour l'extravagance. En quelques plans Fritz Lang nous dresse le portrait de cette ville de manière très claire, les relations entre les êtres. Il faut lui reconnaître une grande précision narrative.
Il y a aussi un personnage intéressant : Jerry. Un homme-maman. Protégeant sa femme, son père, son oncle, son enfant. Homme-couverture, homme-ourson, que le moindre mouvement imprévu brusque, déstabilise absolument. Homme d'une grande bonté aussi, certainement pas très malin ni très aventureux, mais sincère, et aimant, à sa manière minuscule et tendre. Un homme qui a peur de sa propre violence. Qui s'en veut d'avoir voulu frapper l'amant de sa femme.
A aucun moment n'est posée la question de la solitude autrement que sous forme d'angoisse. Les gens, dans Le Démon S'éveille La Nuit, veulent s'agréger les uns aux autres, faire corps, intégrer la ville, se ressembler, se réunir, se soutenir. La femme de Jerry ne pensera à quitter son mari que pour tomber dans les bras d'un autre. La solitude effraie trop.