En 1941, il n'y avait qu'un film à faire, et c'était celui-là. Fritz Lang a parfaitement senti les valeurs dont le monde avait besoin : le courage et la résistance à l'oppression.
L'oppression, le cinéaste sait la mettre en scène. A ses trouvailles visuelles, à son sens si particulier du détail, à son expressionnisme spatial, il ajoute le son. Un son très pur, sans réalisme : un grand silence que quelques bruits bien distincts viennent percer. Le son n'est pas décoratif, ni même illustratif, il est une dimension supplémentaire de l'attention que les personnages doivent porter à leurs propres actes pour ne pas être pris. S'ils parviennent à se fondre dans l'ombre d'un escalier, ils doivent aussi faire taire la jeune fille qui passe et se met à crier. Une mécanique paranoïaque se met en place de façon très habile, et (c'est là que Lang me semble bien supérieur à Polanski par exemple) les personnages font tout pour l'enrayer (le personnage polanskien, plus dépressif, se laisse plus facilement broyer par la mécanique).
Le héros de Man Hunt n'est pas vraiment un héros. Il le devient. Il le devient après deux rencontres fondamentales qui vont changer sa vie, et rendre sa bravoure un peu fanfaronne d'aristocrate anglais plus utile. On le voit d'abord tirer à blanc sur Hitler. S'il avait mis une balle, il l'aurait tué. Grisé, il met une balle, mais alors il se fait prendre. Après avoir été torturé pour signer un papier qu'il refusera de signer (où il était mentionné que le gouvernement anglais l'avait commandité pour tuer Hitler), il parvient à s'échapper. Il embarque à bord d'un navire. Un jeune mousse de dix ans l'aide à se planquer. Première rencontre importante.
La deuxième est une femme. De retour à Londres, l'homme s'aperçoit qu'on le poursuit encore. Il se cache chez cette femme, qui usera de tout son courage et de tout son amour, sans même savoir ce qu'il a fait ni pourquoi on le poursuit, pour qu'il ait la vie sauve. Cette femme est d'une classe bien inférieure à la sienne. Elle pourrait profiter de lui et elle ne le fait pas. Sa modestie est d'ailleurs la raison de la survie de l'homme : parce qu'elle choisit, pour cadeau, une broche chromée en forme de flèche, et non un coeur serti de diamants, l'homme aura la vie sauve. Et, d’homme traqué, il devient homme révolté. Grand film.