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dimanche 30 mai 2010

Salle n°6 : Tchekhov - Karen Chakhnazarov

C'est l'adaptation d'une nouvelle de Tchekhov, dont la grande question est la mortalité, présentant un psychiatre aliéné par un malade en pleine ascension prophétique.
Le film trouve son principe, mais pas son esthétique. Le cinéaste tourne en milieu hospitalier, immergeant acteurs professionnels et vrais malades mentaux. C'est une belle idée, mais Chakhnazarov s'axe tellement sur le jeu qu'il en oublie la mise en images, très plate. Et ça vit si peu qu'on finit par se dire que ces malades étaient des figurants pas trop chers.
Malgré tout, chaque scène opère (ou voudrait opérer) une sorte de mue - chaque scène cherche à se transcender par la puissance lyrique qui l'habite.
En ce sens, les deux dernières scènes sont les plus réussies (et peut-être les seules) : deux soeurs, l'une prise d'un fou rire, et l'autre très sérieuse, et le plan dure jusqu'à l'agonie de ce rire ; un bal de nouvel an où malades hommes et malades femmes s'invitent à danser, et qui montre ce que le film aurait pu être s'il avait été plus radical et moins idéal.

dimanche 26 juillet 2009

Le garçon de courses - Kurer - Karen Chakhnazarov

Superbe récit d'un premier amour, entre un jeune homme de milieu modeste, fils de parents divorcés, et une jeune fille issue d'un milieu intellectuel et aisé, dans une Russie au bord de l'implosion. C'est la rencontre entre deux insolences, qui n'est pas sans rappeler le très beau roman d'Aragon, Aurélien, où le héros ne pouvait se résoudre à voir sa petite amie ailleurs qu'à la piscine, par peur de se montrer dans ses vêtements de prolétaire.
Le film de Karen Chakhnazarov est plein de fulgurances, danses robotiques dans les cités, descentes gusvansantiennes en skateboard dans la ville, rêves africains dans les carrières abandonnées, rencontres métaphysiques avec des soldats dans les rues, chansons de nuit entre le fils et sa mère déboussolée, piano punk à quatre mains entre les amants hystériques.
La cinéaste épouse d'étranges circonvolutions, jouant plus sur les résonances et les ellipses mystérieuses, que sur la conduite claire du récit. Dans ce temps lacunaire, des choses échappent, d'autres surgissent. Ce qui fait l'histoire d'amour n'est pas la durée mais la vision.
Le ton est à la fois comique et désespéré. Quelque chose se passe, dans ce Moscou des années 80, qui échappe à l'histoire d'amour et à l'Histoire tout court (pourtant toutes deux très présentes, nullement négligées, mais maltraitées, retravaillées) - c'est un Moscou légendaire, hanté. Des fantômes littéraires éclaboussent la pellicule. Sans reconstitution, sans évocation trop directe - c'est une impression qui se dégage du film, où vie vécue et vie rêvée se confondent. Chaque plan est d'une rare densité.
Mais ce qui est le plus fort est peut-être ce portrait d'une jeunesse qui voudrait ne jamais cesser de questionner le monde, quitte à le tourner en ridicule, quitte à ce que tout paraisse absurde et sans issue, quitte à s'embourber de rêves.