1 Les films rêvés - Eric Pauwels
2 Ruhr - James Benning
3 My son, my son, what have ye done - Werner Herzog
4 Mourir comme un homme - Joao Pedro Rodrigues
5 Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures - Apichatpong Weerasethakul (2ème vision : ici)
6 My joy - Sergei Loznitsa
7 Le temps des grâces - Dominique Marchais
8 La femme aux cinq éléphants - Vadim Jendreyko
9 Le plein pays - Antoine Boutet
10 Policier, adjectif - Corneliu Porumboiu
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vendredi 31 décembre 2010
dimanche 7 novembre 2010
Le plein pays - Antoine Boutet

On le verra réapparaître dans ce qui semble être son domaine, en train de déterrer de gigantesques blocs de pierre et de les transporter jusqu'au lieu où il les amasse, innombrables. Il les touche, les époussette, les caresse. Cette accumulation n'a rien de funèbre : on verrait plutôt comme un congrès de gros cailloux dont Jean-Marie Massou serait le secret ordonnateur.
On le verra aussi chez lui, nous présentant, de profil, l'oeil rivé au dictaphone, ses enregistrements. Il chante, il psalmodie, il invective la procréation, il annonce l'apocalypse et réclame l'immortalité. Ses phrases, ils les dit toujours deux fois avant de passer à une autre. Sa langue est le français, mais un français de solitaire, un borborygme. Chez lui, c'est un autre entassement : objets inidentifiés, choses rouillées, matériaux, papier toilette... Là encore, une pyramide plus qu'un désordre.
L'énergie de Jean-Marie Massou, les épisodes de son corps, les séquences de ses intentions, ont quelque chose de tellurique. On croirait cela lié au lieu, aux pierres, à la forêt qui l'entoure. Il est un paysan elfique. Un être surnaturel. Il a quelque chose à dire.
L'approche est faite, la confiance est conquise. Jean-Marie Massou nous guide jusqu'à son canyon, une grotte qu'il nomme Sodorome, aux tréfonds de laquelle se trouve son oeuvre : des gravures sur pierre représentant le monde après l'apocalypse, les êtres éternels et sans sexe, ne se reproduisant plus (comme Brigitte Bardot, dit-il). Adopter puis s'éteindre est son mot d'ordre. On voit aussi parmi les gravures des chauve-souris que l'artiste trouve lui-même très réussies, et c'est vrai qu'elles le sont. Rien ne semble fou - ou plutôt, rien ne semble malade, tout est puissant dans son travail.
C'est alors qu'il se met à chanter. Il improvise, de profil mais pour nous, à sa façon détournée, une complainte qui le représente, lui, sa prophétie, et son domaine. C'est un moment de cinéma éblouissant, sauvage, sans lendemain.
Malgré tout, on retrouve avec lui la surface de son domaine. On le voit encore charrier une pierre, marcher dans la forêt. Et le film apparaît alors comme le portrait d'un homme qui serait un monde. Un homme qui a investi un lieu et l'a modifié jusqu'à ce qu'il lui ressemble et lui obéisse. Cette forêt n'est plus tout à fait une forêt : c'est l'esprit de Jean-Marie Massou.
On le voit encore près d'un poste de radio. Rien ne lui plaît. Il change de fréquence sans cesse. Capte un requiem. L'enregistre, tout près des baffles, avec son dictaphone. Ecoute l'enregistrement qu'il a fait. Se désespère de cette chose qui s'est perdue entre la radio et le dictaphone, entre l'original et la copie.
On est triste de le quitter si vite. Le film est court, à peine une heure, et manque d'un tout petit peu d'ampleur. Mais c'est une vraie proposition de cinéma. Parce que c'est une rencontre.
Ici, un lien vers un site où l'on peut voir quelques-unes de ses oeuvres.
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