mercredi 3 mars 2010

Le temps des grâces - Dominique Marchais & A serious man - Joel & Ethan Coen

Ce qui m'a allumé, dans Le temps des grâces, c'est la leçon philosophique que le cinéaste tire, certes, d'un assemblage de réflexions sur le sujet précis de l'agriculture et du paysage, mais que l'on peut élargir à l'ensemble des activités humaines - leçon que l'on pourrait formuler ainsi : il faut toujours repenser d'un point de vue global une action individuelle. Même le peu, même l'inutile a sa place dans une vision globale (l'exemple des haies et celui des tourbières pour preuves irréfutables) - il s'agit alors de considérer la marge comme ce qui place le centre au centre, et d'accorder toute son attention à ces marges, sans quoi le centre s'épuise - et il s'agit aussi, peu à peu, de ne plus accorder de crédit qu'aux marges, en les multipliant.
Faire du blé est sans valeur, mais faire un certain blé est essentiel. L'enjeu est toujours dans la définition de l'acte dans sa singularité, plutôt que dans sa participation immédiate à un plan. En vérité, suivre n'est pas participer. Il faut redonner à chacun la responsabilité de son existence.
D'un point de vue politique, le film ouvre également un bon nombre de voies pour, d'une part, dénoncer l'ineptie de la pensée régnante, et, d'autre part, s'affranchir des oppositions, trop nostalgiques et consensuelles. Une politique sans passéisme, en somme.

Seul et unique bémol : je trouve passablement pénibles les tirades ampoulées et mal articulées de Pierre Bergounioux. Mais ça n'est pas très grave, tant le propos est puissant et les réflexions choisies et brillamment organisées.

Sinon, j'ai aussi vu le dernier film des frères Coen, A serious man, et je me suis dit que les Coen excellaient dans la fabrication de films ennuyeux et creux, qui ne pourraient être meilleurs qu'ils ne sont. C'est leur seul domaine d'excellence. Le plus drôle est que cela semble les satisfaire. Leurs films ont un rapport à l'absurde quasiment dévot. L'absurde leur permet d'arrêter leur pensée.
Aussi A serious man réussit tout ce qu'il entreprend - c'est une série d'arrêts, de clous d'insignifiance enfoncés sur des parois inexistantes.
Mais ce qu'il y a d'étrange, c'est que ce n'est même pas honnête. Après s'être acharné à démystifier les porteurs de connaissance et leurs paraboles, les Coen en instaurent une dernière, pour leur propre compte, et laissent la critique bienveillante gloser sur une possible réflexion sur la judéité.

2 commentaires:

dasola a dit…

Bonsoir, je constate que vous n'aimez pas les frères Coen (au vu des 3 billets que je viens de lire). Personnellement, je considère des films tels que Miller's crossing, Barton Fink et Fargo comme des chef d'oeuvre. A part ça, A serious n'est pas le meilleur pour découvrir les Coen Brothers encore que la 1ère séquence est bien. Concernant, No country for old men: c'est du "brutal" mais assez jubilatoire. Il faut prendre le film au 50ème degré. Bardem est méconnaissable. Bonne soirée.

asketoner a dit…

Désolé, j'en étais resté au 49ème sous-sol. Plus bas, je ne supporte pas, j'étouffe.
Cela dit, j'aime bien les trois films que vous citez. Mais à partir du Big Lebowski, il me semble que les Coen n'ont plus rien fait d'autre que mystifier.