vendredi 12 mars 2010

Les cloches des profondeurs - Glocken aus der Tiefe - Werner Herzog

Ils rampent le visage collé à la glace. Ils cherchent la vision d'une cité engloutie, dont les habitants, dit-on, plutôt que de combattre les Mongols, se sont mis à prier pour qu'un miracle advienne. Et de sous la cité jaillirent des flots ininterrompus qui la recouvrirent entièrement et formèrent un lac. Ils sont donc là, couchés sur la glace, et certains voient le clocher d'une cathédrale, d'autres les bougies du choeur des enfants, et d'autres pas grand chose. Il y a le son très beau de la glace. Il y a des hommes qui chantent de cette seconde voix, sacrée, qu'ils trouvent au fond d'eux-mêmes. Et puis il y en a certains qui restent trop longtemps sur la glace, et qui sont collés. D'autres qui ne voient pas l'été revenir, et qui tombent dans l'eau glacée, et qui meurent. Le plan ci-dessus est le premier du film. Le dernier présente des patineurs.
Pourtant, c'est un film de Werner Herzog. Il n'y a pas d'ironie dans ce qui nous est présenté - c'est une investigation très sérieuse (et même quand Herzog docu-ment, c'est toujours très sérieux). La chose filmée n'est jamais tournée en ridicule. Ce qui est plutôt visé, finalement, c'est peut-être le cinéma, dont les barrières tombent presque à chaque fois. Comme si Herzog avait passé son existence de cinéaste à nous prouver que ce qu'il a à dire ne peut être dit sous une forme cinématographique. Au fond c'est ce qu'on appelle un raté.
Les cloches des profondeurs s'apparente à un carnet de voyage en Sibérie - voyage à thème : à la découverte des légendes sibériennes. Au programme, le lac, le prophète qui reproduit avec exactitude les gestes de Jésus, l'exorciste qui fait pleurer les femmes sur les scènes des théâtre devant des centaines de personnes, le bois sacré où l'on n'avance qu'à quatre pattes, et le sonneur de cloches. De cette vaste compilation un peu chaotique, ressort l'idée suivante : chacun s'accommode comme il peut de l'idée de l'infini. Dans une zone du monde où l'on est encore incapable de vraiment contrôler et normaliser le sentiment divin, des manifestations variées de religiosité se manifestent.
Le sonneur de cloches est le plus beau portrait du film. Un orphelin, ancien projectionniste, est devenu l'artiste-sonneur d'un village. Il nous présente un extrait de ce qu'il joue : c'est magnifique, limpide à entendre, prodigieux à voir, chaque membre de son corps relié à une corde actionnant une cloche à la tonalité différente.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Avez-vous vu Encounters at the end of the world ?
C'est très beau aussi. Herzog y reprend d'ailleurs la scène de l'écoute sur le lac.

asketoner a dit…

Oui j'ai vu ce film. Je l'ai trouvé fascinant. Comme beaucoup de Herzog, mais celui-ci plus encore peut-être, parce qu'il touche aussi à une limite géographique, il dessine une zone.