Un très grand film, très mystérieux, sur la reconstruction d'une identité. Humphrey Bogart n'apparaît vraiment qu'à la moitié du film, bien qu'il soit là depuis le premier plan, caché dans un bidon, puis en caméra subjective, puis toujours un peu dans l'ombre, et, finalement, le visage bandé. Ce n'est que libre (ou libéré de la culpabilité de meurtre qui plane sur sa personne), avec son nouveau visage et le nom que lui a donné la femme qui l'aime, qu'il peut enfin revivre.
C'est aussi un film sur l'errance. Bogart n'est pas un dur - plutôt un minable, maladroit, toujours fourré où il ne faut pas - extrêmement touchant lorsqu'il ne communique que par les yeux - et la fascination que son procès a généré le dépasse. Toute la ville ou presque cherche à l'aider - la nuit est cotonneuse, amicale, bienveillante. Ce sont les autres qui cherchent à lui faire franchir la barrière d'obscurité qui le sépare du monde vrai.
Les scènes sont très drôles, très angoissantes aussi (parce que le personnage est si maladroit, si peu habitué au crime, qu'il commet un nombre d'erreurs incalculable - une sorte de Charlot, ou de Grégoire Samsa), très bien construites. Le cinéaste prend son temps. Nous fait lui aussi traverser cette nuit et ressentir l'épreuve qu'elle constitue.
Lauren Bacall est d'une beauté absolue dans des vêtements rectangulaires, elle ne joue presque rien, elle flotte, sûre de son amour et du pouvoir qu'il lui confère.
1 commentaire:
C'est un film tellement mystérieux et fascinant que je ne suis pas certain de l'aimer. Est-ce à cause de la caméra subjective ou de l'aspect initiatique du récit, je ne saurai le dire, mais ce film semble regarder le spectateur. J'ai réellement éprouvé la sensation d'un "œil" braqué sur moi. Si Delmer Daves avait fait des films de propagande, je crois que leur impact aurait été dévastateur.
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