jeudi 13 novembre 2008

Serbis - Brillante Mendoza


C'est toujours un moment incroyable de découvrir un cinéaste, un vrai. Ca se repère assez vite : soudain, on est plongé dans quelque chose d'infiniment singulier, qui ne dit jamais ce qu'on attend, qui ne représente rien d'autre que lui-même. Un cinéma qui ne se fait pas l'écho du monde, qui paraît être en trop, posé là sur Terre par hasard, presque une erreur.
Serbis donne cette impression. Cette histoire de famille en charge d'un cinéma porno aurait pu être lourde, pleine de non-dits et de non-pensés, vague subterfuge moral planqué sous une provocation. Mais non. Brillante Mendoza s'en fout, de ressembler à quelque cinéma que ce soit, de correspondre à quelque critère, de dire quelque chose du monde et de la famille en général - ce qui le passionne, c'est le particulier (rendre évident l'incongru), ce lieu, ce jour, ces acteurs.
Serbis montre une journée dans la vie d'une famille, journée charnière, où la grand-mère saura si son mari a été condamné pour avoir nourri une autre famille, où un jeune homme à furoncle décidera de vivre une autre vie, où sa petite amie annoncera sa grossesse, et une journée banale aussi, où un petit garçon ira à l'école, où le projectionniste se fera sucer dans la cabine, où un voleur sera attrapé dans le grand complexe architectural décati, où les clients courront après une chèvre infiltrée dans la salle. Petits échanges de bons procédés, déambulations incessantes dans des couloirs et des escaliers, portraits simples et fragiles, ni réalistes ni caricaturaux, simplement cinématographiques, fragilement filmés.
Brillante Mendoza a un ton - il dit la fébrilité, la dignité, le désir, comme peu avant lui. Il filme des personnages qui préféreraient ne pas être ce qu'ils sont - être un autre, et ailleurs. Son attention à l'espace est d'autant plus bouleversante. Omniprésence du son de la rue, lumière d'été passant par le mur troué, tous les lieux vivent - vivent peut-être plus que les êtres, un peu perdus, toujours insatisfaits.

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