mardi 11 novembre 2008

Sobibor - Claude Lanzmann



Sobibor est un récit, extrait et développé à partir des témoignages enregistrés lors du tournage de Shoah. Il a sa place à part : c'est une histoire, unique, non reproduite ailleurs. Sobibor, c'est l'exception. Elle n'avait pas sa place dans Shoah, qui valait pour mémoire collective, pour écriture de la tragédie. Car Sobibor est le récit victorieux, sans remords, d'un homme qui a pu tuer ses bourreaux et s'échapper d'un camp. D'abord, Lanzmann filme les lieux. Longs plans inhabités, de paysages désolés, de champs, de routes, de rails, de villes, de forêts, de vestiges. Les lieux de la mémoire. Ce dont le héros se souvient, trente ans après, Lanzmann le retrouve et le filme, soixante ans après. L'entretien date de 71. Les images documentaires de Pologne et d'Ukraine datent de 2001. Trente ans se sont écoulés. Lanzmann a senti la nécessité de retrouver ces lieux, de les associer à ce récit pour les marquer à jamais du tampon de la mémoire d'un homme. Les lieux, la voix. Le soleil, avec lequel joue la caméra, entre les arbres, au crépuscule. Les corneilles, sur les ruines de Sobibor. Le lieu est hanté. Puis c'est au tour de l'homme, d'être montré. Il fau le voir pour le croire. Un survivant. Un homme qui a retourné la violence qu'il subissait contre ses bourreaux. Un homme qui ne voulait pas mourir, et qui a préféré tuer plutôt que de les laisser faire. Le coin de sa bouche tremble un peu. Ses yeux sont vite humides quand il se souvient de l'acte. Pas par regret. Par joie. Lanzmann le conduit dans son récit. Ce n'est pas un récit épuré. C'est un récit pesant, dense, où tout est dit deux fois plutôt qu'une, où chaque détail est précisé. Car Lanzmann ne cherche pas à être efficace. Il cherche à être vrai. Il aide cet homme à se souvenir. C'est là toute l'essence du cinéma de Lanzmann : accompagner.

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