dimanche 9 novembre 2008

My magic - Eric Khoo



C'est l'histoire d'un fakir alcoolique, élevant seul son enfant. Ce sont deux corps qui résistent, l'un à l'alcool, aux éclats de verre, aux sabres, aux coups, l'autre à son destin, à la mort de sa grand-mère, à la disparition de sa mère, à la déchéance de son père, aux nuits improbables que celui-ci lui fait subir.
Si le récit émeut (ou effraie - les deux sont ici liés, et c'est sans doute ce que le film a de plus passionnant), My magic peine à trouver sa forme, oscillant entre lourdeur démonstrative (les musiques choisies pour le père et le fils, au début) et laxisme guimauve (une fin niaise, où la magie des deux protagonistes se trouve annihilée par la magie d'une vision fabriquée, puant la bonne idée).
C'est bien mieux que le précédent film de Eric Khoo, Be with me, vague publicité pour les nouilles et les téléphones portables, mais ça reste encore indigent pour ce qui est du cinéma.

Il faudrait aussi revenir sur le téléphone portable comme motif cliché de l'oeuvre d'art à prétention moderne. Je me souviens de ce livre de Jean-Philippe Toussaint, Faire l'amour, sorti en 2003 ou 2004, pour lequel la critique s'extasiait parce que le récit prenait en compte cette nouvelle technologie et ses possibilités (faire en sorte qu'un homme dans un train au Japon puisse appeler son ex à Paris). Pour Be with me, même enthousiasme: des textos apparaissaient sur l'écran.
J'ai l'impression qu'on revient là aux premières questions de l'Histoire de l'Art : l'acte de création est-il mimesis, contrefaçon du réel, singeant ses codes et ses ritournelles, ou poesis, réel retravaillé, sculpté, représenté, trouvant sa forme dans un geste ?
On a souvent opposé Méliès aux frères Lumière. A mon sens, les deux sont semblables : le premier saisit la fabrication du fantastique, les seconds, saisissent un réel fabriqué (le monde moderne, le loisir, le transport, la domesticité, tels que le XIXème siècle les a laissés). Méliès comme les Lumière sont dans la saisie, parfaitement dépourvus de fascination, toujours actifs face à l'objet, toujours dans la représentation. Leur opposition constante dans les discours au fil des décennies qui ont suivi a donné deux cinémas malingres : celui, fortuné, de l'image hachée et de l'explosion (type Independence Day ou Mission Impossible 3), et celui, plus pauvre, du texto qui en dit long sur le monde (type Be with me, donc, ou les récents Assayas). Maniaquerie contre moralisme, mesquinerie du gros budget qui se voit contre surplomb du jugement faisant de chaque situation un exemple. L'un grimace jusqu'à l'informe, l'autre se conforme.
Peut-être que le bon cinéma c'est ça : ne pas être tout à fait sûr que ce qu'on filme existe, ne jamais surévaluer la puissance de l'objet en soi, n'être jamais dans l'exemple, mais dans l'exception.

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