mardi 11 novembre 2008

La rivière rouge - Red River - Howard Hawks



La rivière rouge s'ouvre sur un déchirement. Une scène d'amour parmi les plus belles et les plus tragiques du cinéma de Hawks. John Wayne, ce fallot, laisse derrière lui la femme qu'il aime pour élever des vaches au Texas, convaincu que les sentiments entraveraient le travail nécessaire à son immense entreprise. La femme pleure, se débat, fait une déclaration des plus vibrantes, mais Wayne, droit dans ses bottes, ne se résout au final qu'à lui offrir le bracelet de sa mère, et il l'abandonne. Le film va suivre l'itinéraire de ce bracelet. Et s'acharner à déjouer la tragédie en conjurant la loi des pères. Sublime portrait d'un John Wayne tourmenté, nerveux, trop dur - complété par la performance jamesdeanesque du très beau Montgomery Cliff. Le film aligne ce qu'on a longtemps considéré comme un sous-texte homosexuel. Mais c'est bien plus que ça. L'homosexualité y est si flagrante qu'elle en devient un sujet de comédie, et donc un thème en soi.
L'homosexualité, pour Hawks, chez qui la femme engendre souvent le désordre et la peur, c'est le refuge du même. Mais elle n'est pas le point final de l'histoire. Elle en est le passage, le temps de latence - avant l'amour, qui viendra, lors d'une scène magnifique où l'élue de Montgomery Cliff (Joanne Dru, extraordinaire présence en quelques scènes seulement) sera transpercée par une flèche (ou quand la mythologie du far west rejoint la mythologie grecque). Plus qu'un western homosexuel, Red River est un film d'initiation, d'apprentissage - un passage d'armes entre un père (Wayne) et son fils adoptif (Cliff), lequel aura le courage de manier "l'arme" différemment - au risque de perdre l'amour de son père - et de perdre son bracelet.
C'est pour moi le plus beau et le plus profond film d'Howard Hawks, parce qu'il embrasse dans un même élan tragédie, comédie, western, drame psychologique, et comédie romantique. Le plus ambitieux et le plus libre.

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