mercredi 12 novembre 2008

Boy meets girl - Leos Carax



Boy Meets Girl est le film rêvé. Le film où le fantasme du cinéma s'accomplit, s'incarne. D'abord fellinien dans la peinture des soirées mondaines où un homme raconte son voyage sur la lune, puis célinien, dans le borborygme, la macération de la rancoeur, beckettien dans la vision de l'amour comme une entrave à la liberté individuelle, "eustachesque" dans le discours amoureux - et, malgré toutes ces citations, toutes ces références, tout ce poids, le film s'affranchit. Parce qu'il trouve ses acteurs - Denis Lavant, éblouissant, et Mireille Perrier, qu'on aime intensément - parce qu'il prend des libertés, parce qu'il réinvente son langage, même si les mots sont piochés ici et là, même si les images et les histoires ont des sources connues. Le génie de Carax dans Boy Meets Girl, c'est le montage - la congruence de tous ces éléments sublimes détournés, transformés, détruits, et finalement ressuscités sous une forme infiniment personnelle et sensible, sous un jour (ou plutôt devrait-on dire une nuit) nouveau (une nuit nouvelle). Carax emprunte au renouveau musical (Steve Reich, par exemple) autant qu'à celui de l'art contemporain l'idée de collages, de mixages, de transformation d'éléments déjà présents mais détournés de leur discours originel. C'est un cinéma à la fois brut et cultivé, sincère et profond. Et son sujet - son cadre aussi - c'est la nuit. La nuit, avec l'inquiétude du jour qui ne reviendra jamais, de la vie qui ne peut plus continuer, du corps qui croit qu'il va mourir, envahi par trop de désirs, et une incapacité à les communiquer pleinement. Une envie du plein qui ne trouve d'issue que dans le meurtre. Parce qu'alors, l'infini (ou ce qu'on prenait pour tel) de la vie, de l'existence, des possibilités, se résout dans la mort, dans le corps inanimé - la passion s'incarne dans le sang.

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