dimanche 9 novembre 2008

Blindness - Fermando Meirelles



Le film parabole est toujours vivant, Blindness en est la toute dernière manifestation. L'histoire est simple : un homme devient aveugle, celui qui le croise à son tour, etc... Les premiers cas sont enfermés dans un camp, avec à leur tête une femme, Julianne Moore, la seule à ne pas être contaminée, la seule à voir - mais feignant la cécité pour survivre face à l'écrasante responsabilité qui est la sienne. La seule à voir, et donc la seule à distinguer le bien du mal (malgré quelques égarements qui ne lui seront pas reprochés au Jugement Dernier). Avant la catastrophe, elle est présentée par quelques lignes d'un dialogue innocent : s'interrogeant sur l'origine étymologique de ce virus, elle convoque le terme "agnostique". Ceux qui perdent la vue sont ceux qui ont perdu la foi.
Le scénario semble avoir été écrit par une élève de seconde au pensionnat privé Sainte-Clothilde, la nuit, dans sa chambrée. Alors que tout le camp est affamé par un despote armé, que les hommes sont dépouillés de leurs biens et leurs femmes violées, Julianne Moore hésitera, au moins trois semaines, avant de se servir de sa paire de ciseaux - d'ailleurs, elle n'en aura pas besoin : Marie-Sophie (notre scénariste) n'a pu se résoudre à faire commettre à son héroïne un tel péché, et, par une ruse de sioux, l'en a dispensée.
C'est étrange : ce qu'on voit, c'est la faim, la crasse, la maladie, le dépérissement; ce qu'on entend, ce qui préoccupe les personnages, c'est l'adultère, la fin de l'amour, le pardon, le bonheur de vivre en collectivité... Le summum du ridicule est atteint lorsque le gentil chien (différent des méchants chiens qui dévorent les cadavres - le gentil chien, lui, s'intéresse très peu à la viande) gambade jusqu'à notre héroïne et sèche ses larmes avec sa langue râpeuse. Soudain la pluie tombe. Julianne Moore s'abrite, évidemment, dans une église. Les scènes qui suivent sont tordantes : déclarations d'amour à tout va, bain de minuit coquin entre femmes sous la pluie, ôde à l'eau pétillante bien meilleure que le champagne - c'est New Age, ça dépôte au milieu du carnage, on tient le nanar de l'année.
Blindness
, donc, en toute simplicité, évoque l'Holocauste, le calvaire du prophète, et l'humanité perdue de nos civilisations individualistes. Le tout avec un sens de l'esquive sans commune mesure : les morts sont vite oubliés, les femmes violées continuent à sourire, la faim n'empêche pas la joie de vivre, et, quant aux autres, ceux qui ont faim mais qui ne sont pas conduits par Jesus-girl, ils sont une menace pour la sécurité du groupe, mais ils ne sont pas représentés par la voix-off finale (terminale, devrait-on dire) qui assène bien gentiment la moralité acquise lors d'une telle expérience. Rien de tel qu'un bon crime contre l'Humanité pour nous redonner la pêche, un bon petit Holocauste pour nous souder les uns aux autres.

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