mardi 11 novembre 2008

California dreamin' - Cristian Nemescu



California Dreamin' a le charme de son inachèvement. D'abord, disons-le, Nemescu filme comme un cochon. La caméra bouge tout le temps et sans nécessité, parasitant ce qu'on peut voir, abusant des plans rapprochés sur les doigts qui éteignent les interrupteurs et les oreilles qui écoutent. Pourtant, dans les séquences en noir et blanc, Nemescu prouve qu'il a le sens du cadre et du tempo - la première séquence est tout à fait effrayante, avec cet obus qui dévale l'escalier d'un immeuble. Mais ce qui fonctionne le mieux dans California Dreamin' c'est l'absence de coupe, qui donne au récit une ampleur monstrueuse. Sans la moindre tentative d'épure, sans faire le moindre choix tranchant, le film nous donne à voir toutes les palettes et les ramifications de son scénario. Chaque personnage (et ils sont nombreux) a pour exister une dizaine de scènes, et les rencontres se répètent jusqu'à l'épuisement. Le temps est long, sans éblouissement particulier, et, malgré tout, le film est très vivant. Parce que Nemescu ne semble jamais à cours d'imagination, ni de désir pour ce qu'il filme - sans doute peut-on imputer à ce désir les mouvements de caméra trop bruques, trop approximatifs. Et parce que ce cinéma non 'dégraissé' ne cesse de préciser ce qui au début paraît caricatural (une troupe de l'armée américaine, soumise aux caprices d'un chef de gare revanchard, coincée dans un train à l'arrêt, sur les rails d'un village roumain perdu dans le pli d'une carte). Les personnages finissent par prendre corps, les histoires par se lier, et le film par atteindre une certaine épaisseur dans sa polyphonie malhabile. Si bien que California Dreamin' nous donne l'idée de ce que pourrait être le cinéma sans l'impératif de rentabilité "moins de deux heures = + de séances". Rien que pour ça, et sans être un chef d'oeuvre, ce film est une curiosité. Il y a évidemment d'autres films qui durent trois heures - mais celui-ci n'a aucune raison de durer aussi longtemps - et c'est peut-être parce qu'il est déraisonnable qu'il finit par être intéressant.

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