jeudi 25 mars 2010

La bocca del lupo - Pietro Marcello - festival du cinéma du réel #1

Le film débute par une longue élégie de la Gênes des truands, sale, interlope, usée, en perpétuelle destruction. Des images de ruelles qui s'effritent, des prostituées très masculines, des gens sur la plage jetant des ordures à la mer, des cabanes, des grottes habitées, des chantiers.
On entend deux voix : un homme et un autre (mais l'autre parle au féminin). Ils s'envoient des messages sur des cassettes, des mots d'amour, des menaces, des insultes chaleureuses, des encouragements à tenir bon. Il est en prison, 'elle' est dehors et l'attend. Il a un rêve : vivre quelque part dans les terres, avoir un potager, un banc pour regarder l'horizon.
Après cette élégie mystérieuse où l'histoire en cours semble se dissoudre, après ces mots sur lesquels on ne peut pas vraiment fixer de visages ni de réalité, on les découvre, elle et lui, ensemble, filmés côte à côte, assis, chez eux, dans un long plan-séquence entrecoupé de courts inserts sur leurs chiens. Les cassettes dataient. Elle l'a attendu dix ans. Ils parlent de leur rencontre en prison. C'est elle qui parle d'abord, de sa voix pas du tout trafiquée, malgré sa perruque et sa robe, tandis qu'il retrousse les manches de son t-shirt, caresse ses biceps, donne des ordres vifs à ses chiens. Puis il complète - les quatre mois de prison, dit-elle, ont presque été les quatre plus beaux mois de sa vie - mais pour lui, les quatorze années qui ont suivi sont absolument les quatorze plus belles années qu'il ait vécues. Il est tour à tour tendre et brutal, vantard et humble. Elle baisse la tête quand il en fait trop, elle se tait puis lui coupe le sifflet en une phrase. Le cinéaste a trouvé une séquence qui ressemble à l'amour.
Le reste est plus brouillon, plus opaque. Cette séquence formidable fait son lit d'une masse un peu trop hétérogène pour vraiment passionner. Il aurait peut-être fallu plus d'épure, plus d'attention à la réalité, moins d'images trafiquées, même si l'on sent bien la nécessité de définir l'espace poétique/mythique de cette histoire de truands. C'est logique, mais ça ne prend pas complètement (moins bien que dans le Winnipeg mon amour de Guy Maddin par exemple, qui avait des défauts, mais pas celui de se cantonner au bricolage). Le montage n'est peut-être pas assez rêveur : peu de temps passe dans ces images qui visent pourtant une forme d'éternité.

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