Sur la première partie :
Ce sont six plans fixes d'une dizaine de minutes chacun. Un tunnel, une usine, des arbres, une mosquée, un mur, une rue : on dirait une charade. Ce sont comme des extraits, des plans privés du monde, valant pour eux-mêmes, mais fonctionnant entre eux de manière à révéler le monde. Six points de vue où s'ancre le regard.
Benning filme l'irruption. Dans le tunnel, une voiture ; dans les arbres, un avion, qui nous laisse envisager la présence proche d'un aéroport. L'univers sonore est alors envahi. Mais le cinéaste s'intéresse aussi à la manière dont le son disparaît - ou se transforme : ainsi, on voit l'avion se propager sous forme de mouvement dans les feuilles des arbres, alors que l'image et le son de l'avion ont disparu.
Il y a autant d'intensité dans ces passages soudains que dans la fixité et la permanence du plan - comme en musique, un scherzo caché dans une symphonie : l'irruption est le secret du plan, l'attente est la quête de ce secret, et le temps qui suit l'irruption est la joie de sa découverte. On situe l'étonnement, à la fois dans le lieu et dans le temps. De cette intensité dépend la vastitude du monde que nous considérons.
On pourrait distinguer deux types de plans : ceux qui, comme celui des arbres, jouent de ces irruptions (le tunnel et la rue sont de ceux-là) ; et les autres (l'usine, la mosquée, le mur), jouant de la répétition. Ainsi, dans le plan de la mosquée, on perçoit une chose très forte : James Benning filme la danse de ce qui est immobile.
La fixité a pour effet de concentrer le regard sur ce qui s'anime en un lieu précis. Le paysage (ou le lieu) est ce qui retient l'homme. Benning adopte le point de vue du paysage, pas celui de l'homme (ou celui de la machine, son alibi). Il décentre le regard. Nous regardons l'homme comme si nous étions le paysage. On sort de la salle de cinéma avec cette sensation d'être regardé par le monde, contenu, enveloppé. Le temps a quelque chose d'infini - s'agit-il de rendre à l'homme sa part divine ?
Sur la deuxième partie :
Il s'agit d'un seul plan d'une heure, sur une cheminée d'usine à la tombée de la nuit. Le plan conjugue les deux types que j'évoquais plus haut : à la fois l'irruption (de grands volumes de fumée s'échappent de la cheminée après qu'aient retenti des sirènes) et l'immobilité dansée (la nuit tombe, et, tandis qu'elle tombe, la cheminée imperceptiblement devient noire, s'affranchissant des détails que le jour nous laissait percevoir : ce qui est mis à l'épreuve ici, c'est notre mémoire du jour - notre mémoire du visible, et l'attention qu'on porte aux infimes disparitions).
Ce sont six plans fixes d'une dizaine de minutes chacun. Un tunnel, une usine, des arbres, une mosquée, un mur, une rue : on dirait une charade. Ce sont comme des extraits, des plans privés du monde, valant pour eux-mêmes, mais fonctionnant entre eux de manière à révéler le monde. Six points de vue où s'ancre le regard.
Benning filme l'irruption. Dans le tunnel, une voiture ; dans les arbres, un avion, qui nous laisse envisager la présence proche d'un aéroport. L'univers sonore est alors envahi. Mais le cinéaste s'intéresse aussi à la manière dont le son disparaît - ou se transforme : ainsi, on voit l'avion se propager sous forme de mouvement dans les feuilles des arbres, alors que l'image et le son de l'avion ont disparu.
Il y a autant d'intensité dans ces passages soudains que dans la fixité et la permanence du plan - comme en musique, un scherzo caché dans une symphonie : l'irruption est le secret du plan, l'attente est la quête de ce secret, et le temps qui suit l'irruption est la joie de sa découverte. On situe l'étonnement, à la fois dans le lieu et dans le temps. De cette intensité dépend la vastitude du monde que nous considérons.
On pourrait distinguer deux types de plans : ceux qui, comme celui des arbres, jouent de ces irruptions (le tunnel et la rue sont de ceux-là) ; et les autres (l'usine, la mosquée, le mur), jouant de la répétition. Ainsi, dans le plan de la mosquée, on perçoit une chose très forte : James Benning filme la danse de ce qui est immobile.
La fixité a pour effet de concentrer le regard sur ce qui s'anime en un lieu précis. Le paysage (ou le lieu) est ce qui retient l'homme. Benning adopte le point de vue du paysage, pas celui de l'homme (ou celui de la machine, son alibi). Il décentre le regard. Nous regardons l'homme comme si nous étions le paysage. On sort de la salle de cinéma avec cette sensation d'être regardé par le monde, contenu, enveloppé. Le temps a quelque chose d'infini - s'agit-il de rendre à l'homme sa part divine ?
Sur la deuxième partie :
Il s'agit d'un seul plan d'une heure, sur une cheminée d'usine à la tombée de la nuit. Le plan conjugue les deux types que j'évoquais plus haut : à la fois l'irruption (de grands volumes de fumée s'échappent de la cheminée après qu'aient retenti des sirènes) et l'immobilité dansée (la nuit tombe, et, tandis qu'elle tombe, la cheminée imperceptiblement devient noire, s'affranchissant des détails que le jour nous laissait percevoir : ce qui est mis à l'épreuve ici, c'est notre mémoire du jour - notre mémoire du visible, et l'attention qu'on porte aux infimes disparitions).
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