Ce que Coppola travaille, avec L'homme sans âge, c'est la question du langage - amoureux, cinématographique, même combat.
Le héros, Tim Roth, a d'ailleurs pour projet d'en retrouver les sources - les protolangues - la naissance des mots, donc - et la naissance de l'autre, naturellement.
Le film s'ouvre sur une scène d'écueil amoureux, qui déterminera toute la suite du récit : Tim Roth ne saura quoi répondre à sa fiancée qui décide de le quitter, et il la laissera partir, sans un mot. Source tragique, donc : le langage naît de l'absolue nécessité de l'autre - nécessité seulement révélée au moment de sa perte. Mais il naît aussi de la peur de la solitude, de la perception de la vieillesse, comme nous le fait entendre la magnifique voix-off du début, tout en murmures, cheminements intérieurs, jaillissements d'idées, révélations - comme au début d'Apocalypse Now.
Le film prendra alors toutes les formes, histrionique, hystérique, pour réparer ce silence : tour à tour film historique, film d'espionnage, film d'aventure, romantique, ou encore fantastique (à la Cocteau), il prend le risque de nous perdre - le risque du chaos : parce que ne pas retrouver l'amour enfui, c'est mourir. Coppola/Roth cherche partout, envisage toutes les pistes, pour ranimer son cinéma laissé pour mort depuis trop longtemps. Et ça fait du bien, cette énergie incroyable - même si l'on a l'impression de tout survoler trop vite - cette naïveté assumée et débridée, cette foi de muhjaddin pour un art asphyxié par le marché et les moeurs moribondes de notre époque.
Coppola fait ce que Wong a fait avec 2046, une réécriture de tous ses films précédents, condensés en un seul, un bloc d'images et d'idées, de sensations et de tonalités, qui, dès le début, agissent comme une déclaration d'amour renouvelé, une flamme retrouvée, et donnent le sentiment de l'éternité - et l'éternité du sentiment.
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