dimanche 26 octobre 2008

Tokyo ! - Michel Gondry, Leos Carax, Bong Joon-Ho


Passons sur le Gondry, futile apéritif, et sur le Bong Joon-Ho, in-digestif lourd et niais : le seul vrai film de Tokyo !, c'est Merde.
On a pu lire ça et là que Merde était un remix syncopé des précédents Carax - à mon sens, pas du tout. C'est un Carax nouveau, loin du jubilé posthume, plutôt jubilatoire et bien vivant.
Merde, c'est l'histoire d'une démarche inopportune - l'histoire d'un homme qui, marchant dans les rues de Tokyo, sème la terreur. Les trois films du programme tendent à faire de Tokyo un corps social étroit, où la sympathie n'est même plus feinte, ou l'humanité est neutralisée. Le film de Carax n'échappe pas à ce constat, mais il est le seul à l'affronter violemment (Bong Joon-Ho fait son Cinquième Elément, "appuie sur mon bouton LOVE et la Terre tremblera" ; Gondry reste dans la chronique au fantastique passif et décoratif), envoyant Denis Lavant dans la rue, en Chaplin sale et dangereux, aimant la vie mais pas les gens, sauf sa maman et son dieu.
L'humour comme arme de survie : les gags interviennent comme des éléments non identifiés, dysfonctionnels, transgressifs. Des bâtons de dynamite dans les rouages des Temps Modernes. Mais ce n'est pas l'industrialisation ni le stakhanovisme qui sont ici visés - plutôt la morale qui a fini par embaumer et remplacer le capitalisme. Morale du corps éteint, tordu, disparaissant, et de la voix forte. Morale du danger et de la sécurité. Morale de l'utile et de l'agréable. Carax fonce, il n'a peur de rien, il se prend pour Zarathoustra, il est obscène, scato, réac, il croit à la joie et au miracle, il tente tout. Le traitement de l'image vidéo est bouleversant, plus encore que chez Lynch ou Costa : les plans sont des tableaux, des fresques, des collages baroques, nourris par des siècles d'histoire de l'art, mais jamais poussiéreux, d'une force intacte, voire renouvelée.
On ne peut pas raconter le film - ce sont trente minutes de surprises incessantes (telle la voix de Monsieur Merde, qui surgit tardivement et fait basculer le film, deuxième donnée d'un corps inattendu et révoltant), trente minutes frénétiques, de montage, d'esthétique, et de révolution.

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