Werner Herzog aurait pu faire de beaux films toute sa vie.
Il était parti pour. Il savait composer des cadres parfaits, il avait un bon
chef opérateur, un musicien attitré, Popol Vuh, donnant à ses images une
identité distincte, et un acteur qui pouvait tout faire, Klaus Kinski.
Mais à un moment de se vie, il s'est demandé : qu'est-ce qu'un beau film ? Peut-être pas Nosferatu, en fait. Peut-être pas les parfaits KasparHauser ou Aguirre. Il avait rencontré Klaus Kinski et s'était lié à lui d'une façon fusionnelle. Rien ne pouvait les séparer. Klaus Kinski en lui-même orientait le cinéma d'Herzog, forcément grand comme un opéra (et forcément un peu figé).
Oui, mais Herzog, à côté de ses tonitruantes fictions, réalisait des documentaires. Il avait filmé des aveugles et des nains, et peut-être qu'avec Fifi Straubinger du Pays du Silence et de l'Obscurité, ou avec le sauteur à ski Steiner, il n'avait jamais vu sa caméra vibrer aussi bien.
Il écrivait aussi. Il quittait tout pour traverser à pied la frontière franco-allemande en plein hiver (ce qui a donné Le chemin des glaces, livre magnifique, et les premières idées du scénario de La ballade de Bruno). Le cinéma n'était pas tout à fait à l'endroit où il se tenait. Il était plutôt aux endroits où la caméra ne l'accompagnait pas (pas encore).
Dans Nosferatu, il y a quelques plans qui ont peut-être été pour Werner Herzog des indices (les indices d'un cinéma nouveau vers lequel il devrait se tourner s'il ne voulait pas s'ennuyer) : il y a d'abord ce fou pris dans une camisole et qui rit, et son rire secoue les deux gendarmes assis à côté de lui (mais Herzog a déjà commencé à explorer la folie, les visages, les corps, leur puissance statique, et leur statisme comme tremblement) ; ensuite, et surtout, il y a l'avancée de Johnatan dans la montagne vers le château du comte Dracula. A cet instant, quelque chose d'unique se produit : Herzog se rend compte qu'il sait filmer la montagne (il a déjà pu s'en apercevoir dans le beau mais délirant Coeur de verre, peut-être aussi dans La grande extase, et il en percevait le danger mêlé d'exaltation dans La soufrière, tourné deux ans avant Nosferatu). Il sait donner au paysage une vie, une vibration particulière. Il sait filmer une cascade, un caillou, une marche à pied. Quelque chose le conduit hors des sentiers domestiques.
Mais à un moment de se vie, il s'est demandé : qu'est-ce qu'un beau film ? Peut-être pas Nosferatu, en fait. Peut-être pas les parfaits KasparHauser ou Aguirre. Il avait rencontré Klaus Kinski et s'était lié à lui d'une façon fusionnelle. Rien ne pouvait les séparer. Klaus Kinski en lui-même orientait le cinéma d'Herzog, forcément grand comme un opéra (et forcément un peu figé).
Oui, mais Herzog, à côté de ses tonitruantes fictions, réalisait des documentaires. Il avait filmé des aveugles et des nains, et peut-être qu'avec Fifi Straubinger du Pays du Silence et de l'Obscurité, ou avec le sauteur à ski Steiner, il n'avait jamais vu sa caméra vibrer aussi bien.
Il écrivait aussi. Il quittait tout pour traverser à pied la frontière franco-allemande en plein hiver (ce qui a donné Le chemin des glaces, livre magnifique, et les premières idées du scénario de La ballade de Bruno). Le cinéma n'était pas tout à fait à l'endroit où il se tenait. Il était plutôt aux endroits où la caméra ne l'accompagnait pas (pas encore).
Dans Nosferatu, il y a quelques plans qui ont peut-être été pour Werner Herzog des indices (les indices d'un cinéma nouveau vers lequel il devrait se tourner s'il ne voulait pas s'ennuyer) : il y a d'abord ce fou pris dans une camisole et qui rit, et son rire secoue les deux gendarmes assis à côté de lui (mais Herzog a déjà commencé à explorer la folie, les visages, les corps, leur puissance statique, et leur statisme comme tremblement) ; ensuite, et surtout, il y a l'avancée de Johnatan dans la montagne vers le château du comte Dracula. A cet instant, quelque chose d'unique se produit : Herzog se rend compte qu'il sait filmer la montagne (il a déjà pu s'en apercevoir dans le beau mais délirant Coeur de verre, peut-être aussi dans La grande extase, et il en percevait le danger mêlé d'exaltation dans La soufrière, tourné deux ans avant Nosferatu). Il sait donner au paysage une vie, une vibration particulière. Il sait filmer une cascade, un caillou, une marche à pied. Quelque chose le conduit hors des sentiers domestiques.
Le film joue justement de cette opposition, entre la photogénie diaphane mais
dévitalisée du bonheur conjugal ("manger à la va-vite, ce n'est pas
sain", dit Isabelle Adjani à son gentil mari), et l'ivresse de sang d'un
Dracula canonique. La carte postale, chez Werner Herzog, n'existe pas. Il y a
toujours quelque chose de plus. Et s'il y a carte postale, il y a, en son sein,
l'hypothèse d'un mensonge. En son sein ou bien à ses côtés : dans le montage de
son film, sans grande cohérence narrative, Herzog organise les visions, à la
façon de ce banquet qui devient foire aux rats. Toute mise en scène (au sens où
un metteur en scène tenterait de recréer une vision, une idée) est mortifère
(c'est le problème de l'art comme nature recréée). Les images les plus
vivantes (vibrantes) du film sont celles de l'ouverture : Herzog filme des
corps pétrifiés, des cris de pierre et de poussière, des squelettes dans des
chaussures cirées. C'est là que le cinéma existe. Parce que plutôt que
d'organiser les visions, il s'agit seulement de voir.
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