Maintenant qu'Agnès Varda a révélé la cause de la mort
de Demy, le sida, on ne peut s'empêcher de voir dans Le joueur de flûte (à
rebours bien sûr, et donc de façon tout à fait fantasmatique) une réflexion sur
la réversibilité du charme, sur la maladie inscrite au coeur de la guérison,
sur la perte au coeur de la quête. Le joueur de flûte guérit, sauve la ville de
l'invasion des rats, mais non content de la récompense qu'il obtient en échange
de son geste magique, il entraîne tous les enfants hors de la ville et les fait
disparaître au soleil levant. C'est le principe éthique (et non moral) de la
fable : tout travail mérite salaire. Non moral en effet, car si dans l'univers
médiéval-religieux du conte dont Demy s'empare la faute est l'envers du désir,
elle n'est pas constitutive mais fonctionnelle. Le joueur de flûte n'est pas
pervers en soi, il ne devient pervers que parce qu'une société pingre ne
lui laisse pas la possibilité d'exprimer autrement que par la terreur son
pouvoir.
Le charme le plus ultime pour Demy serait la musique, capable d'envoûter, de guérir et de perdre. La musique crée l'image (la princesse s'éveille au son de la flûte, les enfants se réunissent autour d'elle) et la défait (la ville est vidée de l'enfance qui l'animait). Elle a tout pouvoir sur le film. Elle semble le guérir de son désenchantement, de sa lourdeur, de sa réalité toujours trop évidente (réalité des corps et des costumes et des décors qui sautent au visage du spectateur comme les signes les plus terre-à-terre de l'imaginaire poétique). Dans la ville ravagée par la peste, tout le monde est affairé à la construction d'une cathédrale (élément lourd s'il en est), sauf un homme qui se contente de jouer de la flûte. Demy, c'est la puissance de la légèreté.
Le tour de force du film, un peu empesé dans ses costumes et sa narration (et son lissage anglais), c'est la collision, dans la montage et dans la bande-son, de la mort du gentil alchimiste au bûcher et de la fuite des enfants hors de la ville en chantant. De cette collision naît un destin. Entre l'enfance et l'alchimie, il y a un jeune homme qui voudrait être peintre, et qui parce qu'il boîte ne peut pas suivre les autres enfants dans leur perte. Or, en rebroussant chemin, il trouve sa ville ravagée par la peste. C'est pour lui la fin d'un rêve, il faut partir, quitter l'enfance, s'affranchir de la musique, s'affranchir de l'amour même (il aimait la jeune princesse mal mariée), s'affranchir des pères (l'alchimiste lui enseignait tout), et rejoindre la vie. Fin du conte. A l'envers du malheur, il y a un destin et ce destin est beau. On se souvenait bien que dans le jardin secret de la princesse, il y avait un charmant lapin, mais il y avait aussi un rat. Car dans tout rêve il y a un rat. Dans toute joie. Dans tout ce qui ne se réalise pas.
Le charme le plus ultime pour Demy serait la musique, capable d'envoûter, de guérir et de perdre. La musique crée l'image (la princesse s'éveille au son de la flûte, les enfants se réunissent autour d'elle) et la défait (la ville est vidée de l'enfance qui l'animait). Elle a tout pouvoir sur le film. Elle semble le guérir de son désenchantement, de sa lourdeur, de sa réalité toujours trop évidente (réalité des corps et des costumes et des décors qui sautent au visage du spectateur comme les signes les plus terre-à-terre de l'imaginaire poétique). Dans la ville ravagée par la peste, tout le monde est affairé à la construction d'une cathédrale (élément lourd s'il en est), sauf un homme qui se contente de jouer de la flûte. Demy, c'est la puissance de la légèreté.
Le tour de force du film, un peu empesé dans ses costumes et sa narration (et son lissage anglais), c'est la collision, dans la montage et dans la bande-son, de la mort du gentil alchimiste au bûcher et de la fuite des enfants hors de la ville en chantant. De cette collision naît un destin. Entre l'enfance et l'alchimie, il y a un jeune homme qui voudrait être peintre, et qui parce qu'il boîte ne peut pas suivre les autres enfants dans leur perte. Or, en rebroussant chemin, il trouve sa ville ravagée par la peste. C'est pour lui la fin d'un rêve, il faut partir, quitter l'enfance, s'affranchir de la musique, s'affranchir de l'amour même (il aimait la jeune princesse mal mariée), s'affranchir des pères (l'alchimiste lui enseignait tout), et rejoindre la vie. Fin du conte. A l'envers du malheur, il y a un destin et ce destin est beau. On se souvenait bien que dans le jardin secret de la princesse, il y avait un charmant lapin, mais il y avait aussi un rat. Car dans tout rêve il y a un rat. Dans toute joie. Dans tout ce qui ne se réalise pas.
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