mercredi 16 février 2011

Black Swan - Darren Aronofsky

Black Swan, de Darren Aronofsky, c'est un peu du Cronenberg pour les nuls. Pour ceux qui ne comprennent rien à Cronenberg, ou qui se disent "déstabilisés", c'est parfait. Tout est là : la métamorphose, le corps soumis à rude épreuve, les rapports de violence et de domination entre les êtres humains, les séquences d'épouvante. Et Darren Aronofsky est plutôt doué, techniquement qualifié pour réaliser une telle chose (les séquences de danse, dans leur saisie du mouvement, même si la danse est vraiment affreuse, sont époustouflantes). En même temps, il manque un truc : les séquences d'épouvante, par exemple, au lieu de s'additionner pour produire de l'effroi, s'annulent. Parce qu'entre le fantasme et le réel, le cinéaste ne change pas de régime d'images.


Darren Aronofsky fantasme le fantasme. Under-lynchien, ou méta-lynchien, on ne sait pas trop. Mais sans humour. L'esprit de sérieux règne : ce qui compte, c'est la virtuosité. Raideur assurée, même dans les plans les plus tremblants. Pourtant, le rouge à lèvres fait woutch quand on l'ouvre, et on jette les nounours roses à la poubelle. Non pas que Darren Aronofsky croit aux nounours roses, mais il croit que les gens vont y croire. Lui, détaché de tout (et dans son film à 10 millions de dollars il réussit à se moquer des chorégraphes qui organisent des soirées mondaines pour récolter du blé pour leur prochaine croûte en toc), presque pas là, il plane, il est au-dessus, et il nous donne à bouffer ce qu'il croit savoir de ce que nous bouffons : des filles en manque de baise tenues en laisse par leur maman, des lesbiennes insoupçonnées, des acharnées du travail psychorigides qui cherchent la noirceur pour donner un peu de valeur à leurs prouesses (noirceur = sexualité, ça va sans dire).

Pourtant, dans le film, il y a une ironie. Mais cette ironie n’a rien d’un point de vue, c’est une mécanique démiurgique, ce n’est pas l’expression d’un sentiment personnel, c’est seulement pour faire rire le spectateur avant de le faire bander. Le cinéaste repousse au maximum la scène où Natalie Portman va craquer son slip, et quand elle finit par le craquer, plus question d’être drôle, tout bascule.

C'est le syndrome du bon élève. Aronofsky se récompense lui-même (il n'attend même pas les Oscars), en couvrant son nom au générique d'un tonnerre d'applaudissements. Après, on parle de la mégalomanie de Lars von Trier, mouais.

J'ai pensé, pendant le film, à Natalie Portman. Aux doses impressionnantes de colyre qu'elle a dû se mettre dans les yeux pour avoir tout le temps l'air d'être au bord des larmes. Pas un plan sans fébrilité. Je me suis demandé à quoi elle ressemblait entre les prises. Si elle restait dans l'état, ou bien si elle mangeait un kebab tranquillement en attendant qu'on l'appelle pour le plan suivant. J'ai eu de la peine pour elle (pas beaucoup, mais quand même un peu) : tout ce qu'elle s'est sentie obligée de faire pour ce rôle, ça m'a accablé. Et c'est là que le film devient sinistre et troublant : en même temps qu'il propose une variation sur les difficultés du métier de danseuse classique, il impose ces mêmes difficultés à une actrice en quête de reconnaissance publique.

Aronofsky propose l’équivalent cinématographique de La Ferme Célébrités. Danielle Evenou a trait une vache, fait gagner 1000 euros à Médecins Sans Frontières, puis est retournée vendre ses faux bijoux. Qui a vu Mickey Rourke dans un film après The Wrestler ? Il a cachetonné pour The Expendables, puis il est retourné se gaver d’amphétamines sur la côte Ouest. Natalie Portman, elle, remportera sans doute l’Oscar, puis se retrouvera à pleurer dans sa chambre en lisant les scénarios affligeants qu’on lui envoie depuis qu’elle a 8 ans et qu’elle a touché le zizi de Jean Réno.

8 commentaires:

Edouard a dit…

C'est donc pour cela que Natalie Portman pleure si bien au cinéma !

Rappelez-vous chez Gitaï, déjà :

http://www.youtube.com/watch?v=UlSRlCS8dbA

(à part ça, bien sûr, moi, j'y ai cru à son film, Aronofsky)

Vincent a dit…

Quelle plume dure pour le cygne ! Je dis ça mais j'ai trouvé que les morceaux dansés n'étaient pas si bien filmés que ça, ou plutôt, je supporte mal cette façon de faire.
Le dernier paragraphe est assez cruel mais je crains qu'il ne touche juste en tout cas pour Rourke. Je ne souhaite pas ça à Portman, on sent quand même qu'elle a beaucoup donné. mais Aronovsky est vraiment terrible avec ses acteurs, Hershey surtout, j'ai souffert pour elle.

asketoner a dit…

@Edouard
Esther Kahn pleurniche un peu moins, et s'il n'y a pas d'incursion du fantastique, le film n'en est pas moins captivant (un peu décousu parfois peut-être)

@Vincent
mais vous êtes bien pire que moi !

T.G. a dit…

Dure, la chute tout de même. Je n'ai pas vu le film, mais vous ne faites qu'ajouter à mes préjugés. C'est mal.

Ornelune a dit…

Moi j'ai vu Rourke dans un autre film depuis The Wrestler, un film de danse avec des tutus en métal dans Iron Man 2

Anonyme a dit…

Ouf !

Enfin un regard neuf qui a su voir ce à côté de quoi tant d'autres, presse et blogs confondus, sont passés (par paresse ? par encrassement ?).

En plus, on ne s'y insulte pas (pas encore...) : c'est bon signe, je sens que je repasserai...

Anonyme a dit…

Antoine Mouton, c'est le futur plus grand des grands. Tu es décidement terrible dans tous les sens du terme.

Cathedrale a dit…

Intrigante façon de voir, j'aime beaucoup