Les spectateurs européens ont vieilli, et le cinéma de cette même partie du monde aussi (celui qui sort en salles, disons). Les films sont devenus sages, lents, humains. On pourrait parfois les confondre avec des téléfilms ou de trop longs épisodes d'une série sans lendemain. Ce qui distingue alors ces films les uns des autres, c'est l'écriture. Ne parlons pas de la qualité - elle est souvent là : belles lumières, acteurs impeccables, mise en scène discrète mais pas lâche, avec des variables. Ce sont Alain Resnais, Woody Allen, Claude Chabrol, Ken Loach - ils font un film, on les reconnaît. La politique des auteurs, qui était alors une prise de liberté et de risque inouïe pour les cinéastes, est devenue une plaie pour les spectateurs ("tiens, il y a un nouveau Woody Allen").
Et l'écriture est flagrante dans le dernier film de Mike Leigh, qui n'invente rien, mais qui a la férocité et l'intelligence d'une nouvelle de Raymond Carver. Ce n'est certes pas du niveau des derniers Bergman (qui d'ailleurs étaient des téléfilms), c'est un peu moins précis et un peu plus bavard, moins provocateur aussi (moins jeune en fait), mais acide, ça, oui.
Mike Leigh dresse le portrait sur quatre saisons d'une petite maison londonienne avec jardin, où un couple très heureux recueille les plus démunis, les plus paumés de leurs amis. Parmi eux, Ken, infatigable boulimique, terriblement déprimé depuis que ses amis sont morts et qu'il vieillit. Mais aussi et surtout Mary, alcoolique ordinaire, hystérique convenable, qui est vraiment le personnage central du film, celui qui le fait dériver, celui qui touche les limites des autres personnages. Les siennes sont très vite saisies. Après un verre de vin dans un pub et quelques grimaces autour d'un homme déjà pris, on comprend. Celles de Tom et Gerry (c'est ainsi que se nomme le couple), sont plus invisibles, masquées sous une sociabilité à toute épreuve. Sauf un jour où l'hystérie de Mary débordera des cadres prévisibles, s'en prenant à la petite amie du fils de Tom et Gerry, atrocement déçue et blessée dans le fantasme de l'amour qu'elle avait pour lui. Elle sera expulsée (mais sans crise, simplement par omission) de la maison où elle venait presque chaque semaine, boire en compagnie et parler. Elle reviendra, s'introduisant l'hiver chez Tom et Gerry absentés, pour reprendre la place qu'on lui dénie désormais. Et elle y parviendra, mais à quel prix ? contre quelles humiliations ? sous quel silence consterné ?
C'est ce prix de la sociabilité que Mike Leigh cerne à sa façon simple, sans jugement mais sans illusion, légèrement cynique, avec sa narration habile et souvent surprenante. Certaines figures qu'on croyait suivre disparaissent, n'ayant eu qu'un temps dans cette maison où l'on est invité. Et la générosité du couple, de saison en saison, laisse voir des failles, des oublis, des cruautés. Dans la disparition de ces personnages de passage et desquels on ne reparle plus, s'ouvrent des portes vers le monde des recalés. Et cette petite maison semble bâtie, prospère, sur un lit de tristesse.
Et l'écriture est flagrante dans le dernier film de Mike Leigh, qui n'invente rien, mais qui a la férocité et l'intelligence d'une nouvelle de Raymond Carver. Ce n'est certes pas du niveau des derniers Bergman (qui d'ailleurs étaient des téléfilms), c'est un peu moins précis et un peu plus bavard, moins provocateur aussi (moins jeune en fait), mais acide, ça, oui.
Mike Leigh dresse le portrait sur quatre saisons d'une petite maison londonienne avec jardin, où un couple très heureux recueille les plus démunis, les plus paumés de leurs amis. Parmi eux, Ken, infatigable boulimique, terriblement déprimé depuis que ses amis sont morts et qu'il vieillit. Mais aussi et surtout Mary, alcoolique ordinaire, hystérique convenable, qui est vraiment le personnage central du film, celui qui le fait dériver, celui qui touche les limites des autres personnages. Les siennes sont très vite saisies. Après un verre de vin dans un pub et quelques grimaces autour d'un homme déjà pris, on comprend. Celles de Tom et Gerry (c'est ainsi que se nomme le couple), sont plus invisibles, masquées sous une sociabilité à toute épreuve. Sauf un jour où l'hystérie de Mary débordera des cadres prévisibles, s'en prenant à la petite amie du fils de Tom et Gerry, atrocement déçue et blessée dans le fantasme de l'amour qu'elle avait pour lui. Elle sera expulsée (mais sans crise, simplement par omission) de la maison où elle venait presque chaque semaine, boire en compagnie et parler. Elle reviendra, s'introduisant l'hiver chez Tom et Gerry absentés, pour reprendre la place qu'on lui dénie désormais. Et elle y parviendra, mais à quel prix ? contre quelles humiliations ? sous quel silence consterné ?
C'est ce prix de la sociabilité que Mike Leigh cerne à sa façon simple, sans jugement mais sans illusion, légèrement cynique, avec sa narration habile et souvent surprenante. Certaines figures qu'on croyait suivre disparaissent, n'ayant eu qu'un temps dans cette maison où l'on est invité. Et la générosité du couple, de saison en saison, laisse voir des failles, des oublis, des cruautés. Dans la disparition de ces personnages de passage et desquels on ne reparle plus, s'ouvrent des portes vers le monde des recalés. Et cette petite maison semble bâtie, prospère, sur un lit de tristesse.
4 commentaires:
Narration habile et surprenante, en effet, alors que l'évolution générale est assez attendue (l'humeur en fonction des saisons etc...). Improvisation et rigueur ; petites touches et grande expressivité ; observation très fine et effets appuyés...
C'est un film très paradoxal, ce qui le rend intéressant malgré ses défauts.
Oui, et puis il y a cette noirceur que j'aime beaucoup. Disons, pour le public visé, qui aurait vite fait de faire de Mike Leigh un humaniste au sens neuneu actuel du terme, genre avec un grand h, les films remboursés par la sécurité sociale etcetera, eh bien pour ce public, il assène au final un grand coup de marteau sur la tête du plus récalcitrant au cynisme et au désespoir.
Belle critique. Il me semble à moi que ce sont les films qui semblent simples qui sont les plus difficiles à faire. Il faut faire véhiculer l'émotion et là, j'ai été pris à la gorge, à mon grand bonheur. Bien à vous. Marco.
Je pense que ce n'est pas qu'une question de simplicité, mais aussi et surtout d'évidence. Quand l'évidence est là, le film est gagné.
Enregistrer un commentaire