Les New-Yorkais fauchés continuent de faire des films. Après
les trop poseurs frères Safdie, c'est Alex Ross Perry qui prolonge ce mouvement
initié par Ronald Bronstein et son immense Frownland.
The color wheel est plus proche du cinéma de Bronstein que de celui des frères Safdie. Il n'y a dans cette façon de concevoir un film aucune espèce d'affectation ou de rêve auteuriste woodyalleno-bergmanien sous-jacent, bien que la parenté soit là, évidente (mais c'est une parenté de préoccupation). Alex Ross Perry ne cherche pas tant à leur ressembler (on pourrait penser à Godard aussi, parce que l'actrice Carlen Altman en quelques plans devient icône) qu'à ne ressembler à rien. Vite fait et sans savoir comment, le désir pour seule arme, Alex Ross Perry ne semble pas être obsédé par le style ou par la manière. Son film est bricolé, flou, sans ampleur publicitaire, avec quelques écueils parfois, mais l'intensité de son désir de cinéma est telle qu'elle rattrape tout. Les écueils font partie de la beauté troublante de l'ensemble.
C'est l'histoire d'un homme, paumé dans ses frustrations et vivant encore dans le grenier de ses parents, qui, le temps d'un week-end (ce temps magique des week-ends où les destins s'agitent), vient en aide à sa soeur, rêveuse sans ancrage, rejetée par sa famille, et la conduit en voiture jusqu'à l'appartement de son ex où traînent des affaires qu'elle veut récupérer. Mais cette histoire n'est qu'un prétexte pour filmer un homme et une femme ensemble, avec tout ce que cela comporte de trouble ou de romance en germe. Le scénario dit : frère et soeur. L'image montre : amour possible entre un homme et une femme. Dans cette tension entre le dit et le visible, quelque chose d'indicible (et d'indécent) éclôt.
Le recours à la caricature (un mormon patron de motel, une soirée entre branchés normopathes, des filles cruches à pleurer, une abominable petite amie baleinière, un ex plus proche du bourreau que de l'amant) opère un resserrement sur les figures du frère et de la soeur, comme s'ils formaient un monde et que le reste autour était absolument inconnaissable, incompréhensible et distant. Le road-movie annoncé tourne au film de chambre à coucher ; et puisqu'il n'y a de place nulle part pour deux amants liés par le sang, alors leur chambre à coucher sera le monde. Ce ne sont pas des cartons que trimballent les héros, mais une obscénité secrète et partagée - un goût pour le débordement, la tristesse terrible de l'impossible, une rage de prisonniers. Les répliques fusent, rapides, drôles, cinglantes : ces deux-là n'ont peur de rien quand il s'agit de parole et que la parole reste entre eux. Autrement, tout les accable, tout les écrase. Leur unique possibilité de s'incarner, de vivre une vie qui leur ressemble, c'est l'un en l'autre qu'ils la trouvent. Cette symbiose vampirique est magnifiquement filmée, comme si entre leurs deux visages circulaient un air frais, et que tout autour était vicié.
Il n'y a, dans The color wheel, aucun présupposé quant à ce que doit être un film, ce qui est beau et ce qui ne l'est pas. Le choix du noir et blanc, obsolète. Le goût pour la caricature, plus de très bon ton en ces temps où les artistes doivent s'efforcer de donner leur chance à tous. Il y a seulement la fougue et la foi en cette fougue. Une image reste, dans ce désordre : elle, qu'on suit de dos dans un parc, avec sa chemise boutonnée à l'envers, les rayons du soleil passant à travers les feuilles des arbres.
The color wheel est plus proche du cinéma de Bronstein que de celui des frères Safdie. Il n'y a dans cette façon de concevoir un film aucune espèce d'affectation ou de rêve auteuriste woodyalleno-bergmanien sous-jacent, bien que la parenté soit là, évidente (mais c'est une parenté de préoccupation). Alex Ross Perry ne cherche pas tant à leur ressembler (on pourrait penser à Godard aussi, parce que l'actrice Carlen Altman en quelques plans devient icône) qu'à ne ressembler à rien. Vite fait et sans savoir comment, le désir pour seule arme, Alex Ross Perry ne semble pas être obsédé par le style ou par la manière. Son film est bricolé, flou, sans ampleur publicitaire, avec quelques écueils parfois, mais l'intensité de son désir de cinéma est telle qu'elle rattrape tout. Les écueils font partie de la beauté troublante de l'ensemble.
C'est l'histoire d'un homme, paumé dans ses frustrations et vivant encore dans le grenier de ses parents, qui, le temps d'un week-end (ce temps magique des week-ends où les destins s'agitent), vient en aide à sa soeur, rêveuse sans ancrage, rejetée par sa famille, et la conduit en voiture jusqu'à l'appartement de son ex où traînent des affaires qu'elle veut récupérer. Mais cette histoire n'est qu'un prétexte pour filmer un homme et une femme ensemble, avec tout ce que cela comporte de trouble ou de romance en germe. Le scénario dit : frère et soeur. L'image montre : amour possible entre un homme et une femme. Dans cette tension entre le dit et le visible, quelque chose d'indicible (et d'indécent) éclôt.
Le recours à la caricature (un mormon patron de motel, une soirée entre branchés normopathes, des filles cruches à pleurer, une abominable petite amie baleinière, un ex plus proche du bourreau que de l'amant) opère un resserrement sur les figures du frère et de la soeur, comme s'ils formaient un monde et que le reste autour était absolument inconnaissable, incompréhensible et distant. Le road-movie annoncé tourne au film de chambre à coucher ; et puisqu'il n'y a de place nulle part pour deux amants liés par le sang, alors leur chambre à coucher sera le monde. Ce ne sont pas des cartons que trimballent les héros, mais une obscénité secrète et partagée - un goût pour le débordement, la tristesse terrible de l'impossible, une rage de prisonniers. Les répliques fusent, rapides, drôles, cinglantes : ces deux-là n'ont peur de rien quand il s'agit de parole et que la parole reste entre eux. Autrement, tout les accable, tout les écrase. Leur unique possibilité de s'incarner, de vivre une vie qui leur ressemble, c'est l'un en l'autre qu'ils la trouvent. Cette symbiose vampirique est magnifiquement filmée, comme si entre leurs deux visages circulaient un air frais, et que tout autour était vicié.
Il n'y a, dans The color wheel, aucun présupposé quant à ce que doit être un film, ce qui est beau et ce qui ne l'est pas. Le choix du noir et blanc, obsolète. Le goût pour la caricature, plus de très bon ton en ces temps où les artistes doivent s'efforcer de donner leur chance à tous. Il y a seulement la fougue et la foi en cette fougue. Une image reste, dans ce désordre : elle, qu'on suit de dos dans un parc, avec sa chemise boutonnée à l'envers, les rayons du soleil passant à travers les feuilles des arbres.
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