C'est l'histoire d'un monstre. Un monstre aimé, qui a des
verrues au pied, un orgelet à l'oeil, et dont les femmes et maîtresses meurent
les unes après les autres. Il est le mal absolu, un Barbe-Bleue sans château et
désargenté, sans pulsion meurtrière non plus. Mais son étanchéité au
sentiment amoureux lui confère un pouvoir plus secret, celui d'entraîner les femmes qui
l'aiment dans la morbidité ; la mort survient comme par enchantement. Il en va ainsi de Yukiko, figure féminine sur
laquelle le cinéaste se focalise, poussée, par la passion que le monstre lui
inspire, à désirer mourir à ses côtés, puisqu'il ne veut pas mourir avec elle (il évoquait, un jour, le désir de se suicider avec elle, et puis il a fumé une cigarette et il s'est mis à rêver d'autre chose).
Elle va lui infliger sa mort, comme preuve que l'amour existe, lui qui ne le
connaît pas et de toute façon n'y croit pas.
La mise en scène, sèche comme une guerre, n'est pas dans l'affect, mais au contraire épouse la monstruosité du personnage masculin. Elle ne dit que l'essentiel, montre tous les rouages sentimentaux, les décortique comme le cadavre d'un poulet. Mais Mikio Naruse se refuse à la clôture des films psychologiques. Nuages flottants inscrit l'homme dans le paysage : l'idylle indochinoise et sa forêt merveilleuse, le Tokyo d'après-guerre où les ruines portent un vague espoir de redistribution des cartes, la station thermale où la vapeur des bains chauds n'a d'égale que la pesanteur des corps passionnels, et les nuages de l'île du sud, son bateau, sa pluie, où l'être se dissout, où la tragédie ressemble à une coulure d'acide. Les figures humaines, comme des spectres, hantent les plans. Le temps, traversé à toute allure, multipliant flash-backs et ellipses, a des airs de cavalcade funèbre où les pas des chevaux s'emmêlent.
La mise en scène, sèche comme une guerre, n'est pas dans l'affect, mais au contraire épouse la monstruosité du personnage masculin. Elle ne dit que l'essentiel, montre tous les rouages sentimentaux, les décortique comme le cadavre d'un poulet. Mais Mikio Naruse se refuse à la clôture des films psychologiques. Nuages flottants inscrit l'homme dans le paysage : l'idylle indochinoise et sa forêt merveilleuse, le Tokyo d'après-guerre où les ruines portent un vague espoir de redistribution des cartes, la station thermale où la vapeur des bains chauds n'a d'égale que la pesanteur des corps passionnels, et les nuages de l'île du sud, son bateau, sa pluie, où l'être se dissout, où la tragédie ressemble à une coulure d'acide. Les figures humaines, comme des spectres, hantent les plans. Le temps, traversé à toute allure, multipliant flash-backs et ellipses, a des airs de cavalcade funèbre où les pas des chevaux s'emmêlent.
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