Au programme du bac, De Gaulle. A l'Odéon, Olivier Py met en scène Mitterrand. Dans quelques mois sort un film sur Sarkozy. Et pendant ce temps, sur la façade de Beaubourg, on voit surgir des posters géants de Pompidou posant en philosophe et théoricien de l'art.
Le seul enseignement qu'on tire de ce poster géant est celui-ci : c'est le grand retour des dettes. L'Odéon doit quelque chose à Mitterrand. Le cinéma doit quelque chose à Sarkozy. Et l'art doit quelque chose à Pompidou. Et le Centre, non content de porter son nom, veut nous le faire savoir. Pompidou affiche Pompidou. Image digne d'une boîte de Vache qui rit.
(Une amie me signale que Giscard a écopé d'un téléfilm diffusé sur Arte il y a quelques jours. Je m'inquiétais pour lui.)
New Castle, de Guo Hengqi
Titre anglais pour film chinois. Les rapprochements entre l'Angleterre période cold wave et la Chine actuelle se multiplient. Même déprime sans soulèvement, même inertie qu'on dirait éternelle. Ici, dans New Castle, on prive de leur emploi quelques mineurs pour accueillir les Jeux Olympiques, et, dans la foulée, on expulse les habitants pour les reloger dans des appartements sans jardin. On a déjà vu mieux, chez Pedro Costa notamment. Rien de particulier ne se dégage de ce film, malgré son sérieux et sa clarté.
Palazzo delle aquile, Stefano Savona, Alessia Porto & Ester Sparatore
Là, par contre, c'est la Révolution. 18 familles ont été expulsées de l'hôtel où elles étaient logées. Ces 18 familles, sous l'impulsion d'un conseiller municipal de centre gauche, décident alors d'occuper la mairie de leur ville, Palerme, qu'ils ne quitteront pas, disent-ils, avant d'obtenir un logement digne de leur action.
C'est un film qui a foi dans le processus politique comme faisant cinéma. Expurgé d'anecdotes, de témoignages et de bons sentiments, les cinéastes ne s'occupent que du présent : filmer cette occupation, filmer le lent processus qui verra les familles se faire rouler par le conseiller municipal et reconduire dans un hôtel en attendant pire.
Il y a quelques scènes incroyables : la distribution des brioches, véritable bataille homérique ; le moment, épique, où dix représentants des familles viennent coincer le maire, qui ne leur a encore pas adressé la parole, dans une cathédrale où il assiste à une commémoration religieuse ; la nuit où les familles regagnent un hôtel et où le conseiller municipal monte sur les tables pour célébrer ce qui est devenu sa victoire, oubliant complètement qu'il est filmé et que transparaît alors sa machination ; les commentaires de quelques femmes, telles les sorcières d'Eastwick, insultant tout ce qui bouge, et ne cessant de réinventer des insultes plus perfides encore.
Tout ça fait monde, et la fable est d'une pertinence totale, trouvant toujours le juste équilibre, sur lequel le conseiller municipal finit par butter (ce qui entraînera sa fourberie), entre cas particulier et question universelle. Celle du logement, certes, mais avant tout celle de la place d'un citoyen dans la société.
C'est le premier grand film du festival.
7 films de Rudy Burckhardt
Haiti (1938)
The pursuit of happiness (1940)
Montgomery, Alabama (1940)
Under Brooklyn Bridge (1953)
Square Times (1967)
Doldrums (1972)
Sodom and Gomorrah, New York 10036 (1976)
Rudy Burckhardt, photographe, s'érige contre le goût dominant du documentaire causal (c'est à dire du documentaire qui ne sait poser que la question Pourquoi ?).
Le problème, c'est qu'en s'affirmant contre, il ne parvient à créer qu'un autre goût, et peine à inventer son cinéma. Il y a de belles choses, mais trop éparses. C'est un problème que j'ai souvent avec le cinéma qui se définit par ce qu'il ne fait pas. Under Brooklyn Bridge, avec sa baignade d'enfants dans l'Hudson, me semble être le plus convaincant des courts-métrages présentés ce soir.
La mort de Danton, de Alice Diop
Excellent film qui nous propose le portrait de Steeve, jeune homme noir de la Cité des 3000, prenant pendant trois ans des cours de théâtre aux Cours Simon, et rêvant d'interpréter Danton, alors qu'on ne lui donne que des rôles de Noir (Miss Daisy et son chauffeur, par exemple).
Le film est réussi parce qu'il affirme la singularité de Steeve plutôt que d'en faire un cas, un archétype. Et les revendications, les indignations de la réalisatrice sont sensibles, mais ce qu'on voit avant tout, c'est un homme qui veut s'affranchir de son milieu. Aussi se rebelle-t-il très vaillamment lorsque la réalisatrice s'improvise psychanalyste en expliquant son malaise par ses origines. Steeve dit que non, que ça n'a rien à voir avec la cité des 3000, mais plutôt avec l'enfance qu'il ne parvient pas à quitter.
La cinéaste lui rend justice. S'il ne semble pas très bon comédien sur scène, le dernier plan est pour lui l'occasion de dire le dernier discours de Danton. Il montre alors sa force, et invalide la thèse de son professeur de théâtre selon laquelle il n'y avait pas de Noirs en 1794, et qu'il ne peut donc pas jouer Danton. Il le peut, il le prouve, et Danton était noir, ça ne fait plus aucun doute, soudain, grâce à ce dernier plan.
Il y a une scène particulièrement belle dans le film, où les amis de Steeve, qui viennent d'apprendre qu'il suivait des cours de théâtre, vont le voir jouer son spectacle de fin d'année sur les Grands Boulevards. C'est un moment très beau et très drôle, très drôle parce qu'ils sont tous hilares et gonflés de fierté, très beau parce qu'il est l'acte d'une réconciliation entre un passé avec lequel Steeve ne veut pas couper et un avenir encore fragile.
"L'art doit discuter,
doit contester,
doit protester."
Face à la maxime du Président mort, l'artiste vivant est coincé. Il ne peut dire ni oui ni non. S'il dit non, il conteste, et donc confirme l'intuition de Pompidou. S'il dit oui, il oublie de contester, et rend caduque son approbation.doit contester,
doit protester."
Le seul enseignement qu'on tire de ce poster géant est celui-ci : c'est le grand retour des dettes. L'Odéon doit quelque chose à Mitterrand. Le cinéma doit quelque chose à Sarkozy. Et l'art doit quelque chose à Pompidou. Et le Centre, non content de porter son nom, veut nous le faire savoir. Pompidou affiche Pompidou. Image digne d'une boîte de Vache qui rit.
(Une amie me signale que Giscard a écopé d'un téléfilm diffusé sur Arte il y a quelques jours. Je m'inquiétais pour lui.)
New Castle, de Guo Hengqi
Titre anglais pour film chinois. Les rapprochements entre l'Angleterre période cold wave et la Chine actuelle se multiplient. Même déprime sans soulèvement, même inertie qu'on dirait éternelle. Ici, dans New Castle, on prive de leur emploi quelques mineurs pour accueillir les Jeux Olympiques, et, dans la foulée, on expulse les habitants pour les reloger dans des appartements sans jardin. On a déjà vu mieux, chez Pedro Costa notamment. Rien de particulier ne se dégage de ce film, malgré son sérieux et sa clarté.
Palazzo delle aquile, Stefano Savona, Alessia Porto & Ester Sparatore
Là, par contre, c'est la Révolution. 18 familles ont été expulsées de l'hôtel où elles étaient logées. Ces 18 familles, sous l'impulsion d'un conseiller municipal de centre gauche, décident alors d'occuper la mairie de leur ville, Palerme, qu'ils ne quitteront pas, disent-ils, avant d'obtenir un logement digne de leur action.
C'est un film qui a foi dans le processus politique comme faisant cinéma. Expurgé d'anecdotes, de témoignages et de bons sentiments, les cinéastes ne s'occupent que du présent : filmer cette occupation, filmer le lent processus qui verra les familles se faire rouler par le conseiller municipal et reconduire dans un hôtel en attendant pire.
Il y a quelques scènes incroyables : la distribution des brioches, véritable bataille homérique ; le moment, épique, où dix représentants des familles viennent coincer le maire, qui ne leur a encore pas adressé la parole, dans une cathédrale où il assiste à une commémoration religieuse ; la nuit où les familles regagnent un hôtel et où le conseiller municipal monte sur les tables pour célébrer ce qui est devenu sa victoire, oubliant complètement qu'il est filmé et que transparaît alors sa machination ; les commentaires de quelques femmes, telles les sorcières d'Eastwick, insultant tout ce qui bouge, et ne cessant de réinventer des insultes plus perfides encore.
Tout ça fait monde, et la fable est d'une pertinence totale, trouvant toujours le juste équilibre, sur lequel le conseiller municipal finit par butter (ce qui entraînera sa fourberie), entre cas particulier et question universelle. Celle du logement, certes, mais avant tout celle de la place d'un citoyen dans la société.
C'est le premier grand film du festival.
7 films de Rudy Burckhardt
Haiti (1938)
The pursuit of happiness (1940)
Montgomery, Alabama (1940)
Under Brooklyn Bridge (1953)
Square Times (1967)
Doldrums (1972)
Sodom and Gomorrah, New York 10036 (1976)
Rudy Burckhardt, photographe, s'érige contre le goût dominant du documentaire causal (c'est à dire du documentaire qui ne sait poser que la question Pourquoi ?).
Le problème, c'est qu'en s'affirmant contre, il ne parvient à créer qu'un autre goût, et peine à inventer son cinéma. Il y a de belles choses, mais trop éparses. C'est un problème que j'ai souvent avec le cinéma qui se définit par ce qu'il ne fait pas. Under Brooklyn Bridge, avec sa baignade d'enfants dans l'Hudson, me semble être le plus convaincant des courts-métrages présentés ce soir.
La mort de Danton, de Alice Diop
Excellent film qui nous propose le portrait de Steeve, jeune homme noir de la Cité des 3000, prenant pendant trois ans des cours de théâtre aux Cours Simon, et rêvant d'interpréter Danton, alors qu'on ne lui donne que des rôles de Noir (Miss Daisy et son chauffeur, par exemple).
Le film est réussi parce qu'il affirme la singularité de Steeve plutôt que d'en faire un cas, un archétype. Et les revendications, les indignations de la réalisatrice sont sensibles, mais ce qu'on voit avant tout, c'est un homme qui veut s'affranchir de son milieu. Aussi se rebelle-t-il très vaillamment lorsque la réalisatrice s'improvise psychanalyste en expliquant son malaise par ses origines. Steeve dit que non, que ça n'a rien à voir avec la cité des 3000, mais plutôt avec l'enfance qu'il ne parvient pas à quitter.
La cinéaste lui rend justice. S'il ne semble pas très bon comédien sur scène, le dernier plan est pour lui l'occasion de dire le dernier discours de Danton. Il montre alors sa force, et invalide la thèse de son professeur de théâtre selon laquelle il n'y avait pas de Noirs en 1794, et qu'il ne peut donc pas jouer Danton. Il le peut, il le prouve, et Danton était noir, ça ne fait plus aucun doute, soudain, grâce à ce dernier plan.
Il y a une scène particulièrement belle dans le film, où les amis de Steeve, qui viennent d'apprendre qu'il suivait des cours de théâtre, vont le voir jouer son spectacle de fin d'année sur les Grands Boulevards. C'est un moment très beau et très drôle, très drôle parce qu'ils sont tous hilares et gonflés de fierté, très beau parce qu'il est l'acte d'une réconciliation entre un passé avec lequel Steeve ne veut pas couper et un avenir encore fragile.
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