Dialogue : "-Le jour où je voudrais une amie comme vous, je n'aurai qu'à m'accroupir et en chier une."
Le sujet de The mist, c'est la merde. D'abord, un vent qui laisse des traces. Puis une odeur nauséabonde au fond d'un garage (l'aérateur est bloqué). Enfin, des tentacules qui deviennent marron et qui fument quand elles sont séparées du corps qui les couvaient. La merde, donc. Darabont, ça le fascine. Etrons, pestilences, vents forts. Les dialogues en sont pleins - shit plutôt que fuck, on voit le genre. L'action se tient en majeure partie dans un supermarché - antichambre intestinale idéale : on ne sort pas, c'est le mot d'ordre. Thomas Jane (le héros) est la parfaite incarnation de cette constipation. Darabont prend beaucoup de plaisir à lui demander d'émettre une émotion, un signe de vie depuis son corps inepte et son visage frigide : sourcils froncés, mines rabougries, crispations de l'effort - Thomas Jane est sur le trône, c'est samedi matin, ça ne sort pas.
La merde, sentiment violent vis-à-vis d'une nation, expression d'un dégoût. Les péquenauds prototypes sont là, au garde-à-vous. Les folles de Dieu, les Noirs aigris à qui on ne la fait pas, les militaires menteurs, les commerçants mesquins - tout le monde y passe, jusqu'au délire apocalyptico-sacrificiel d'une éberluée façon Julianne Moore dans Blindness (on lit la Bible aux cabinets). C'est un village bien amoché, un conglomérat d'abrutis, un lieu où la merde règne et stagne, et où tout le monde finit par être contaminé (on aura vu venir la fin de loin, bien fait) - l'Amérique pré-Obama, recroquevillée sur elle-même, franchement dégueulasse.
Où Hawks, dans son théâtre cynique, parvient à insuffler de la vie, de l'humour, de la joie, du rythme, du désir, Darabont, lui, choisit la mort, le jugement sec, la décoration baroque des effets spéciaux dans un décor minimal (gris-blanc-brume, et quelques paquets de chips). Il n'évite pas les tirades ennuyeuses ni les débats momifiés, mais il a ce courage (et cette chance : que font les studios ?) de la sévérité. The mist est un film sévère, âpre, déprimé, délivrant sa brève de comptoir avec une telle morgue qu'elle en devient effrayante.