mardi 8 décembre 2009

Le pont des arts - Eugène Green

Eugène Green a saisi cette chose unique : le moment où la pensée devient matière - où, du silence, on passe au lien - où on se lie au monde par des mots. L'incarnation, c'est le sujet permanent des films de Green.
Cela est d'autant plus frappant qu'on part de très bas : corps raides, dialogues sans naturel, diction détachée du sens et appliquée au respect d'une règle illusoire. Mais quand soudain quelque chose se met à vivre, c'est avec la violence d'une épiphanie.
On peut encore rapprocher ce film d'Eugène Green du Hadewijch de Bruno Dumont : une rencontre toujours retardée. Seulement, lorsque cette rencontre survient, ce n'est pas un couperet (l'option Dumont, bon débarras), mais une révélation - le film alors s'envole, et nous fait croire autant aux fantômes qu'aux liaisons, aux regards caméra, ou à la sociologie lacunaire (voire grotesque) du microcosme dépeint.
Certains effets sont saisissants : comme ces cartons au théâtre no, décrivant par des mots l'action sur scène en contrechamp du public, exemple parfait d'une représentation à la fois économique et généreuse, qui n'a pas peur ni de la digression ni du spectaculaire, mais qui s'en empare modestement.
Dire aussi que Natacha Régnier et Alexis Loret sont deux très bons acteurs qui savent choisir leurs films (Régnier jouera dans le prochain Angela Schanelec).

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