La dernière fois qu'on a vu des Indiens au cinéma, c'était dans Le nouveau monde, de Terrence Malick. Ils découvraient au large les navires des colons, et l'on entendait l'ouverture de L'or du Rhin de Wagner.
Marco Bechis renverse la vapeur. Les Indiens sont sur la rive, et depuis leur barque les touristes européens observent les visages peints et les flèches lancées en l'air pour les intimider. Les Indiens se replient dans la forêt, sur la musique baroque de Domenico Zipoli, dans ce qui promet d'être une aventure hors d'âge. Alors le film a tout l'air de ressusciter les fantasmes d'Herzog, on croit rêver. On rêve : les Indiens montent dans une camionnette, et reçoivent une maigre liasse de billets de la part d'une compagnie de voyages organisés.
Si Wagner évoquait l'excitation, l'afflux de sang de la découverte, Zippoli agit en doux contrepoint, d'une dignité ancestrale. La musique nous donne à entendre le passé d'un peuple. Les images nous montrent la dislocation présente de celui-ci.
La terre des hommes rouges raconte le moment critique d'une petite communauté Guarani, accablée par la pauvreté, l'alcool, et les suicides à répétition de ses jeunes membres. Pour conjurer le sort, les Indiens, parqués, décident de s'installer sur ce qui fut autrefois leur terre, forêt hantée par le Dieu Nande Ru, aujourd'hui transformée en champ par un riche propriétaire. L'affrontement tarde un peu, et le film hésite entre deux pistes : l'étude communautaire (initiation chamanique, sexualité, liens familiaux, solutions contre la pauvreté), et le western social. A ceci s'ajoute une bluette entre un jeune Guarani futur chamane et la fille des propriétaires, qui vient définitivement parasiter le récit.
Le projet est beau (nous faire prendre conscience du sort des Indiens du Brésil), mais la fiction ne parvient pas tout à fait à s'hybrider, entre magie panthéiste et naturalisme documentaire.
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