Zero Dark Thirty est un film cathartique cancéreux, complètement
malade, bouffé jusqu'à l'os aussi bien par les idéologies dénoncées que par
celles acquises. Techniquement parfait, le film construit indubitablement une
esthétique (la fin dans la forteresse de Ben Laden est sidérante : des plans
qui tendent vers l'écran noir, d'autres passés aux filtres verts et au sein
desquels les personnages ont des rayons lasers qui leur sortent du crâne). Mais
qu'est-ce qu'il raconte ? Que l'amitié et la patrie, c'est peut-être plus
important encore que la foi ?
Et que dire, ici, des scènes
de torture ? Elles sont hallucinantes de cruauté, presque insoutenables. Au
service de quoi ? De quelques larmes versées par une jolie rousse au cœur de
pierre, exilée tel Ulysse en terrain muslim mais sans Pénélope pour l'attendre
?
Dans sa manière de mêler
l'intime (très parcimonieusement : à vrai dire Bigelow ne parle de l'intime que
pour déplorer le fait qu'il n'existe pas) et le politique, la cinéaste atteint
un degré de confusion ahurissant. Elle semble n'envisager la conscience que
comme deuil, pitié, ou retranchement. Pourtant, on voit chez elle ce qu'on ne
voit nulle part ailleurs : la lisibilité de l'action. Dommage que, derrière
cela, la pensée ait une gueule de gros flan du Texas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire