- C'est vraiment étrange, chez Clint Eastwood, cette façon de vouloir toujours nous faire croire que la pensée (ou l'existence) qu'il incarne est minoritaire - alors qu'on ne fait pas plus majoritaire que cette pensée-là (que cette existence-là) ;
- c'est très beau, que l'existence soit à ce point liée à la pensée ;
- la façon dont il incarne cette pensée est totémique ; le film investit tous les clichés, les uns après les autres, sans sourciller, sans rien venir remettre en cause (on n'est pas, me semble-t-il, dans un cinéma de l'évidence, mais bien dans un cinéma du pouvoir, alignant, note après note, ce qui ressemble à un texte de loi) ;
- le film est sans dilemme réel - incapable de poser problème - il ne fait que construire une impasse, et la résout avec une naïveté confondante (un geste naïf, abyssal de bêtise christique, que la caméra surligne lourdement - comme à la fin de Into the wild et de The dark knight - alors on peut se poser une question : Hollywood a-t-il un problème avec le christ ? - l'enfant manquant de L'échange pose la même question : quel enfer serait le monde si le christ n'avait pas existé ?) ;
- j'ai parcouru le film entre charme et horreur - charme d'un Eastwood en Gainsbourg (façon vieille canaille), en Jupiter contrarié, avançant dans ses journées de retraite au prix d'une alcoolémie jamais fléchissante - horreur de cette inertie, de ce charme immobile des puissants, de cette façon de racoler au centre ;
- je me suis toujours posé la question de l'ironie, de la distance, et je n'ai jamais trouvé de réponse allant dans le sens de que j'espérais (c'est-à-dire dans le sens du cinéma - en fait, je n'ai jamais retrouvé Eastwood cinéaste, et, au mieux, j'ai vu un Jacques Chirac américain se plaignant de la morsure de sa chienne) ;
- si la question était vraiment la bêtise (et les quelques grimaces de Eastwood acteur nous invitent à y croire), est-ce qu'on ne pourrait pas espérer que ça aille plus loin, que ce soit encore plus sec (c'est-à-dire sans fin lacrymale, et surtout sans prêtre au rabais) ?
- Gran Torino a pour lui la tristesse d'un dernier tour de piste - et contre lui l'avachissement dans cette tristesse (pas d'aventure, juste du savoir-faire) ;
- dans le papier de Jean-Baptiste Morain sur le site des Inrockuptibles, est évoquée l'idée que les enfants, chez Eastwood, sont toujours une menace. Cette idée est à rapprocher de la vision du mal du cinéaste (dans L'échange, dans Mystic River) : des jugements. Le doigt levé. On fige le mal dans une grimace. Genre Hopkins dans Le silence des agneaux. C'est aussi ça le conservatisme : bien délimiter l'ombre et la lumière. Efficace, mais j'aimerais bien que ça produise un peu plus de cinéma, et un peu moins de confort. C'est plus le Ford de la Gran Torino que celui de Liberty Valance, auquel nous avons affaire.
- c'est très beau, que l'existence soit à ce point liée à la pensée ;
- la façon dont il incarne cette pensée est totémique ; le film investit tous les clichés, les uns après les autres, sans sourciller, sans rien venir remettre en cause (on n'est pas, me semble-t-il, dans un cinéma de l'évidence, mais bien dans un cinéma du pouvoir, alignant, note après note, ce qui ressemble à un texte de loi) ;
- le film est sans dilemme réel - incapable de poser problème - il ne fait que construire une impasse, et la résout avec une naïveté confondante (un geste naïf, abyssal de bêtise christique, que la caméra surligne lourdement - comme à la fin de Into the wild et de The dark knight - alors on peut se poser une question : Hollywood a-t-il un problème avec le christ ? - l'enfant manquant de L'échange pose la même question : quel enfer serait le monde si le christ n'avait pas existé ?) ;
- j'ai parcouru le film entre charme et horreur - charme d'un Eastwood en Gainsbourg (façon vieille canaille), en Jupiter contrarié, avançant dans ses journées de retraite au prix d'une alcoolémie jamais fléchissante - horreur de cette inertie, de ce charme immobile des puissants, de cette façon de racoler au centre ;
- je me suis toujours posé la question de l'ironie, de la distance, et je n'ai jamais trouvé de réponse allant dans le sens de que j'espérais (c'est-à-dire dans le sens du cinéma - en fait, je n'ai jamais retrouvé Eastwood cinéaste, et, au mieux, j'ai vu un Jacques Chirac américain se plaignant de la morsure de sa chienne) ;
- si la question était vraiment la bêtise (et les quelques grimaces de Eastwood acteur nous invitent à y croire), est-ce qu'on ne pourrait pas espérer que ça aille plus loin, que ce soit encore plus sec (c'est-à-dire sans fin lacrymale, et surtout sans prêtre au rabais) ?
- Gran Torino a pour lui la tristesse d'un dernier tour de piste - et contre lui l'avachissement dans cette tristesse (pas d'aventure, juste du savoir-faire) ;
- dans le papier de Jean-Baptiste Morain sur le site des Inrockuptibles, est évoquée l'idée que les enfants, chez Eastwood, sont toujours une menace. Cette idée est à rapprocher de la vision du mal du cinéaste (dans L'échange, dans Mystic River) : des jugements. Le doigt levé. On fige le mal dans une grimace. Genre Hopkins dans Le silence des agneaux. C'est aussi ça le conservatisme : bien délimiter l'ombre et la lumière. Efficace, mais j'aimerais bien que ça produise un peu plus de cinéma, et un peu moins de confort. C'est plus le Ford de la Gran Torino que celui de Liberty Valance, auquel nous avons affaire.