Soderbergh a réalisé SON film. Minimal, épuré - il s'agit simplement de regarder des gens faire des choses quelque part. Sous un faux nom, il en signe la photographie.
Aucune des deux parties n'affecte les signes d'un quelconque discours. On ne saura rien de neuf sur la Révolution, sur Cuba, sur la Bolivie, ou sur l'Histoire. Il n'y aura pas d'hypothèse psychanalytique, pas de transcendance, pas de glorification (et il y aura donc une philosophie : celle de l'action et du combat). On devra se contenter de regarder un asthmatique gravir des montagnes, donner des ordres, se cacher dans la forêt, panser des plaies, prendre des villes.
L'asthme du Che a son importance cinégénique : le film est construit sur le principe de la prise d'air.
Les boucles de la narration en pointillés de L'Argentin (les séquences sont brèves, séparées par des temps flous, et mêlent la préparation de la Révolution, la prise de Cuba, et une interview donnée quelques années plus tard aux USA) ne jouent pas l'épate - pas de carcan scénaristique : le film de Soderbergh est libre et heureux, très composé et très intuitif.
C'est tout le temps beau, tout le temps physique et incarné - le cinéaste donne la sensation puissante d'une existence matérielle.
La deuxième partie (Guérilla) est encore plus radicale - cette fois-ci complètement linéaire, mais toujours aussi morcelée et physique.
Ce sont deux mouvements contraires : L'Argentin raconte un grossissement glorieux, tandis que Guérilla, concentré sur l'échec de la Révolution en Bolivie, marque au contraire un rétrécissement (jusqu'à l'anéantissement).
La fin, où le Che est interrogé par des soldats, est un bel écho à l'interview américaine - comme si la mythification était une manière polie de régler des comptes.
Les deux films ne sont pas sans perspective - ils s'attachent tous deux à décrire précisément une stratégie, et peuvent se lire à l'aune de L'art de la guerre de Sun Tzu.
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