vendredi 13 novembre 2009

Visage - Tsai Ming-Liang

C'est une épure qui déborde, une abstraction qui plonge absolument dans le figuratif, ou encore une quintessence malade du travail de Tsai Ming Liang.
Ce qu'il y a de beau, c'est de voir à quel point les symboles ne veulent plus rien dire. L'appartement est plein d'eau - ce n'est plus qu'un jeu, plus que l'occasion renouvelée de confronter Lee Kang Shen à l'éternel problème de la fuite. On croise toutes les figures du cinéaste taïwanais - et en même temps Visage n'a rien à voir avec L'amour en fuite de Truffaut. Ce n'est pas nostalgique, il n'y a pas même l'essai de dire quelque chose. On retrouve Jeanne Moreau, Fanny Ardant et Nathalie Baye pour un dîner, mais le dîner n'aura pas lieu, Nathalie Baye sortira de sous la table, Jeanne Moreau marmonnera une conversation pour elle-même ("j'aurais dû amener un livre"). Visage, c'est un éclat de rire - un luxe - une commande du musée du Louvre qui tendrait plus vers le caniveau que vers l'accrochage - un geste un peu abscons au premier abord mais quand même très fort.
On peut préférer la pente douce de Tsai Ming Liang, ses I don't want to sleep alone ou La rivière ou Les rebelles du Dieu Néon, plus unis, plus égaux. Mais Visage est plein de joyeuses scories, de séquences incroyables (le feu, l'inondation, le cerf, Salomé, Léaud enterrant quelque chose sous un chant oumesque...), et d'autres ratées, ou qui s'étirent un peu trop. C'est un vrai fourre-tout, ni modeste ni prétentieux, assez troublant dans son hommage à Truffaut lorsqu'il fait naître un amour impossible entre Fanny Ardant et Jean-Pierre Léaud, accolant leurs visages l'un contre l'autre. Troublant parce qu'incestueux. C'est d'ailleurs un adjectif qui pourrait assez bien décrire le cinéma de Tsai Ming-Liang.

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