mercredi 4 novembre 2009

Adventureland - Greg Mottola

Adventureland, c'est la victoire d'un genre cinématographique (la comédie romantique) sur un genre littéraire (le roman de voyage et d'apprentissage). Victoire forcée : James, le héros, n'a plus d'argent pour partir découvrir l'Europe avec ses amis diplômés, ses parents ayant été socialement déclassés. Mises en péril aussi ses études de journalisme. Le voici donc Américain contraint forcé, travaillant dans un parc d'attraction pendant l'été. Le fantasme ainsi mis en réserve, subsistent quelques questions primordiales : le sexe et les sentiments, et la très complexe conjugaison des deux.
Le film est d'autant plus touchant qu'il assume sa condition mineure, ni très drôle, ni très riche (au sens d'ostentatoire), plutôt sage et lent, attaché aux canons qu'il convoque et soigneux dans leur exécution - il reste centré sur l'infime, sur ce qui n'a jamais lieu, sur ce qui est à peine naissant.
Un adulte éclot comme par enchantement, au milieu des losers magnifiques (Frigo, échappé de Faulkner ; les gérants du parc ; ou le solo de batterie du garçon aux bouclettes), et loin de ses héros (la jeunesse huppée partie visiter les ruines du vieux monde et se révéler à soi-même). Comme par enchantement, ce n'est pas vrai : plutôt avec un immense effort, et aussi beaucoup de grâce - parce que faire autrement ne serait tout simplement pas possible.
On dirait James en voyage dans son propre pays : il découvre l'envers du décor, et il ne peut s'empêcher de trouver tout le monde très beau, même misérable, même menteur, même enfermé dans quelque chose qui n'offre aucune issue - parce qu'il n'est pas mieux loti que les autres, et parce que savoir et ne pas oublier est la seule solution pour se sortir de là.
Face à lui, une fille très belle, en proie à d'autres problèmes - un vrai personnage de fille, qui a tout compris et qui ne l'a pas supporté. On dirait ces deux personnages embarrassés d'un surcroît de conscience. La conscience est de toute façon ce qui définit les personnages de ce film : l'ami fumeur de pipes semble s'en accommoder, Frigo, lui, semble en être privé. C'est aussi ce qui fait l'humour des répliques : quand le gérant du parc d'attraction demande à james s'il a "bu de la drogue", par exemple.
James aura finalement vu des ruines. Elles n'étaient pas où il rêvait de les trouver, elles étaient sur les pelouses tondues et les allées surveillées de Pittsburgh, et il s'est mis à les aimer.

Aucun commentaire: