D'abord le film est très confus, dans sa façon de vouloir situer historiquement ce qui va nous être narré : l'autodestruction absurde d'un groupe d'extrême gauche nommé Armée Rouge Unifiée, au début des années 70 au Japon. Je m'attendais à une réflexion sur la représentation historique digne de Watkins ou Lanzmann - on en est loin - on assiste à un curieux mélange inepte d'archives et de reconstitutions (on guette, dans les scènes reconstituées, les signes de contemporanéité des acteurs, et on les trouve, nombreux). De réflexion sur l'usage du document, ou sur la facticité de la reconstitution, pas la moindre trace. Les dates s'empilent. Les scènes sonnent faux. C'est, au mieux, didactique, au pire, incompréhensible.
Mais Wakamatsu réserve quelques surprises. Son film est divisé en trois parties. D'abord la contextualisation, ensuite le temps des purges lors de l'entraînement militaire en montagne, enfin le fait divers autour de la maison assiégée par la police.
Il faut savoir que la réalisation de ce film tenait le cinéaste très à coeur : la maison qui est détruite à la fin du film, c'est la sienne ; il a également hypothéqué son cinéma ; l'une des jeunes filles, victime des purges, que l'on voit dans la seconde partie, était une des ses proches amies. Le film n'est pas pour autant pleinement réussi, épousant trop souvent, contrairement à ce que le cinéaste prétend, le point de vue policier ou télévisuel (gros plans sur les visages en larmes, jeu douteux avec la figure maternelle, palmarès des morts les plus regrettables - "elle avait trois enfants" ; "il était premier de sa promo"...).
Malgré tout, la deuxième partie est un tour de force. Pendant plus d'une heure, on assiste à la répétition ad nauseam d'une même scène : les personnages, reclus dans un chalet en montagne, pour parfaire leur instruction militaire et devenir de vrais communistes, sous la houlette d'un binôme masculin-féminin particulièrement dérangé, sont amenés, les uns après les autres, à faire leur "autocritique" (c'est-à-dire à être tabassé, jusqu'à l'inconscience, pour renaître en révolutionnaire - voire à se tabasser soi-même - voire à être tué). La mise à distance de la violence est ici très juste. On s'enfonce dans cette spirale de la dénonciation ("tu n'as pas critiqué assez fort ton camarade, tu dois faire ton autocritique" ; ou bien "entre les deux autocritiques de tes camarades, tu as changé de pantalon, or tu n'es pas venu à la montagne pour essayer ta garde-robe, tu dois donc faire ton autocritique"...) avec un vrai génie absurde (jusqu'à cette réplique magnifique : "même morte, elle est contre-révolutionnaire"). Tout cela est d'autant plus fascinant que naît un syndrome watkinsien : on a le sentiment de voir une troupe de jeunes acteurs au travail (après renseignements, ces acteurs ne font pas du tout partie d'une troupe, certains sont professionnels, d'autres débutants, d'autres encore des intellectuels proches du cinéaste faisant une apparition). Wakamatsu aurait pu se contenter de ça, mais non, il se sent obligé d'ajouter une somme incroyable de plans compassionnels, lesquels, une fois coupés au montage, auraient rendu le film plus digeste. Et c'est dommage.
On aurait aimé que le tout le film soit à la hauteur de la conclusion, très belle, inattendue, assénée par le garçon le plus jeune de la fraction armée : « on a manqué de courage ». Soudain, le regard de Wakamatsu évite la compassion, le spectacle, le jugement, et se fait profondément romantique. D’une phrase, il réactive le désir de changer le monde.
La version qui nous est présentée en France est amputée de deux heures, et le film fait l'objet de vifs débats au Japon, souvent aussi longs que le film lui-même. Il était assez judicieux, de la part du Saint-André-des-Arts, de faire intervenir une historienne, spécialiste des mouvements révolutionnaires d'extrême-gauche, rattrapant la faiblesse de la première partie.
Mais Wakamatsu réserve quelques surprises. Son film est divisé en trois parties. D'abord la contextualisation, ensuite le temps des purges lors de l'entraînement militaire en montagne, enfin le fait divers autour de la maison assiégée par la police.
Il faut savoir que la réalisation de ce film tenait le cinéaste très à coeur : la maison qui est détruite à la fin du film, c'est la sienne ; il a également hypothéqué son cinéma ; l'une des jeunes filles, victime des purges, que l'on voit dans la seconde partie, était une des ses proches amies. Le film n'est pas pour autant pleinement réussi, épousant trop souvent, contrairement à ce que le cinéaste prétend, le point de vue policier ou télévisuel (gros plans sur les visages en larmes, jeu douteux avec la figure maternelle, palmarès des morts les plus regrettables - "elle avait trois enfants" ; "il était premier de sa promo"...).
Malgré tout, la deuxième partie est un tour de force. Pendant plus d'une heure, on assiste à la répétition ad nauseam d'une même scène : les personnages, reclus dans un chalet en montagne, pour parfaire leur instruction militaire et devenir de vrais communistes, sous la houlette d'un binôme masculin-féminin particulièrement dérangé, sont amenés, les uns après les autres, à faire leur "autocritique" (c'est-à-dire à être tabassé, jusqu'à l'inconscience, pour renaître en révolutionnaire - voire à se tabasser soi-même - voire à être tué). La mise à distance de la violence est ici très juste. On s'enfonce dans cette spirale de la dénonciation ("tu n'as pas critiqué assez fort ton camarade, tu dois faire ton autocritique" ; ou bien "entre les deux autocritiques de tes camarades, tu as changé de pantalon, or tu n'es pas venu à la montagne pour essayer ta garde-robe, tu dois donc faire ton autocritique"...) avec un vrai génie absurde (jusqu'à cette réplique magnifique : "même morte, elle est contre-révolutionnaire"). Tout cela est d'autant plus fascinant que naît un syndrome watkinsien : on a le sentiment de voir une troupe de jeunes acteurs au travail (après renseignements, ces acteurs ne font pas du tout partie d'une troupe, certains sont professionnels, d'autres débutants, d'autres encore des intellectuels proches du cinéaste faisant une apparition). Wakamatsu aurait pu se contenter de ça, mais non, il se sent obligé d'ajouter une somme incroyable de plans compassionnels, lesquels, une fois coupés au montage, auraient rendu le film plus digeste. Et c'est dommage.
On aurait aimé que le tout le film soit à la hauteur de la conclusion, très belle, inattendue, assénée par le garçon le plus jeune de la fraction armée : « on a manqué de courage ». Soudain, le regard de Wakamatsu évite la compassion, le spectacle, le jugement, et se fait profondément romantique. D’une phrase, il réactive le désir de changer le monde.
La version qui nous est présentée en France est amputée de deux heures, et le film fait l'objet de vifs débats au Japon, souvent aussi longs que le film lui-même. Il était assez judicieux, de la part du Saint-André-des-Arts, de faire intervenir une historienne, spécialiste des mouvements révolutionnaires d'extrême-gauche, rattrapant la faiblesse de la première partie.
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