Au Roxie, petit cinéma de Californiens allumés, dans le
quartier de Mission à San Francisco, on éteint encore la lumière de la salle à
la main. Le type qui a vendu tickets et popcorns entre après les bandes-annonces,
longe les rangées de fauteuils extra-larges, et appuie sur l'interrupteur. Puis
il sort, referme les portes de la salle derrière lui, s'enferme dans la cabine,
et lance le film.
Le film, c'est Beyond the black rainbow, d'un certain Panos Cosmatos. La programmation ici est assez dingue. Au mois de juillet, rien de moins qu'une rétrospective Bela Tarr, un festival de film noir, un panorama du nouveau cinéma tchèque, le dernier film d'un maître du cinéma tibétain nommé Chogyam Trungpa Rinpoche, des films de Kung Fu, des documentaires musicaux, un festival (Frozen Film Festival) mêlant comédies hystériques (hysterical comedies, on ne peut pas mieux dire) et films de surf, une programmation de films français contemporains se donnant pour objectif d'étudier ce que les actrices françaises ont de si particulier (parmi elles : Sophie Marceau, Géraldine Pailhas, Sandrine Bonnaire), et puis ce film, Beyond the black rainbow, daté de 2010, aux aspirations kubricko-kennethangeriennes.
Le film, c'est Beyond the black rainbow, d'un certain Panos Cosmatos. La programmation ici est assez dingue. Au mois de juillet, rien de moins qu'une rétrospective Bela Tarr, un festival de film noir, un panorama du nouveau cinéma tchèque, le dernier film d'un maître du cinéma tibétain nommé Chogyam Trungpa Rinpoche, des films de Kung Fu, des documentaires musicaux, un festival (Frozen Film Festival) mêlant comédies hystériques (hysterical comedies, on ne peut pas mieux dire) et films de surf, une programmation de films français contemporains se donnant pour objectif d'étudier ce que les actrices françaises ont de si particulier (parmi elles : Sophie Marceau, Géraldine Pailhas, Sandrine Bonnaire), et puis ce film, Beyond the black rainbow, daté de 2010, aux aspirations kubricko-kennethangeriennes.
On est d'abord frappé par le psychédélisme à l'oeuvre. L'obsession géométrique, qu'on croyait démodée, ici bat son plein. Et elle sied plutôt bien au cinéma, dans le sens où c'est une façon de répondre à la rectangularité de l'écran, et de creuser, d'approfondir l'image plane par la puissance des formes.
L'usage abusif de filtres donne à la couleur quelque chose de morbide. Il y a dans Beyond the black rainbow une tendance photographique qui agit comme une menace sur ce qu'on voit. On ne sait jamais vraiment s'il s'agit d'images arrêtées ou mobiles. On ne distingue pas le mort du vivant.
A vrai dire le vivant (donc le cinéma) n'est ni dans la couleur, ni dans la géométrie, ni dans la musique. Il est dans le tremblement. Lena est une fille muette enfermée dans un laboratoire par un savant sadique. Elle découvre en elle un tremblement capable de tuer. Et de se libérer, peut-être, enfin, de l'enfermement où elle est tenue. L'image tremble, saute, les figures menacent de tomber ou de disparaître, les couleurs (épaisses, morbides, mordantes, avaleuses) submergent Lena. Les formes l'occultent. La musique l'encercle.
Le psychédélisme est en fait ce dont le film tente de se dégager, convoquant les pochettes de Pink Floyd, les films d'horreur japonais, David Lynch et Matthew Barney, et Solaris aussi, et d'autres et d'autres. Les références sont nombreuses, assommantes, et on a parfois l'impression d'être dans une chambre d'ado croulant sous les posters et les figurines fétiches. Beyond the black rainbow a tout d'un premier film, tout pour se planter. D'ailleurs, il n'arrête pas de se planter, mais ce n'est pas grave.
Le grand événement du film, c'est la calvitie du méchant. On s'était habitué à sa perruque, puis, au bout d'une heure, il l'arrache. La séquence, superbe, dure facilement deux minutes. Des filaments de glue s'étirent et finissent par rompre entre la perruque et le crâne lisse du méchant. Le film est lent, et, pour quelques séquences, trouve une lenteur plus grande encore, proche de l'effondrement.
Panos Cosmatos impose peu à peu son esthétique inadmissible, et l'impose moins par talent que par obstination. Le film est en surpoids. C'est pourtant ce surpoids qui par moments sidère, comme dans cette autre scène (une scène de souvenirs), où on ne voit d'abord qu'un rond noir au milieu d'un écran blanc. Le rond est un trou, un homme s'en extirpe, noir lui aussi, entièrement. Noir et gluant. Il laisse sur son passage de grandes traces. Gros plan sur le sommet de son crâne alors qu'il est encore à quatre pattes sur l'espace blanc : il dégueule noir. Il dégueule noir et sa tête, qui avait une forme de tête, se fond dans la flaque du même noir que sa tête. Sa tête a maintenant une forme de flaque. Et le film porte en lui ce mouvement, de la géométrie (principielle) à la flaque.
1 commentaire:
C'est la première fois que je vois un festival pour les films français. J'aime beaucoup les films français. C'est plus vrai et plus réaliste.
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