C'est à La femme de l'aviateur de Rohmer qu'on
pense immédiatement en voyant Je suis une ville endormie, qui s'ouvre sur une
tentative documentaire à laquelle se lie une romance. Les temps fluctuent :
dans le récit linéaire de l'histoire d'amour surgissent des archives, très
belles, d'après-midis ensoleillées sur les Buttes Chaumont et des exploits
idiots qui y ont été recensés. C'est que l'amour appelle la mémoire enfouie
d'une civilisation, d'un lieu, d'un secret. Et le lieu lui-même façonne
l'histoire des amants.
Le film pose la question de l'attraction en termes magnétiques, ésotériques.
Théo s'éprend d'Anna en même temps qu'il se lie, irrémé-diablement au Parc et
aux nuits qu'il y passe, vitales. Si je regrette que la romance soit parfois un
peu schématique, ne parvenant pas toujours à s'affranchir des scènes
obligatoires, il y a une tentative qui me plaît : celle de réinvestir la ville,
Paris, comme un lieu dont la conscience est ensevelie sous les préjugés, les
images et les déterminations d'une époque - de redonner un souffle et une
mythologie au trop-plein vicié, étouffant de Paris. Finalement, le désir de
Betbeder est proche de celui de Carax quand il a tourné Les amants du Pont-Neuf. Si le lieu est magnifiquement décrit, je regrette que les
personnages soient si 'normaux', ou du moins que cette 'normalité' soit si peu
tragique.
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