lundi 10 octobre 2011

Portrait d'une enfant déchue - Jerry Schatzberg - Puzzle of a Downfall Child (1970)

Ici, au contraire de chez Garrel, on ne meurt pas des suites d'une passion. C'est la passion qui est la mort, c'est cette vie si intense à laquelle la passion fait croire alors que nous sommes morts déjà. La passion serait ce lieu de l'être où l'être n'est pas.

Un homme vient dans une maison enregistrer la voix d'une femme qu'il a photographiée autrefois. Il vient désarmé, sans appareil photo. Ou plutôt : il s'est armé autrement. D'un magnétophone cette fois. Pour ne plus refléter, mais pour enregistrer. Pour se déprendre de ce corps dont il faisait des images.
Au début, on n'entend que sa voix. Elle se présente. On ne la voit pas. On voit la maison sur la plage, isolée, prise dans le sable. On en fait le tour, on la cerne - on croit que c'est la maison qui parle. Et puis elle apparaît : Faye Dunaway. L'actrice par excellence. On se dit d'abord qu'elle en fait un peu trop, qu'on ne va pas supporter. Et puis on comprend : c'est elle qui ne supportera pas, elle n'est pas le personnage, elle ne le sera jamais, elle n'atteindra jamais l'image d'elle-même, elle ne touchera jamais à ce qui fait son être. Même cet homme qui prétend être son ami, le seul à avoir traversé les années, la découpe, la dissèque, la démembre : pendant un temps l'image, et maintenant la voix. Il y a trop de séparations en elle. Elle a tenté de se réunir, elle a collé des réalités avec des mensonges, elle n'a plus su les différencier. Elle s'est construite sur une légende qu'elle n'est jamais devenue. Il n'y a pas de froideur en elle, il y a seulement une erreur.
C'est un film hitchcockien : une femme blonde au centre. On n'est pas sûr qu'elle existe vraiment. Tout nous fait croire qu'elle est fantôme. Elle nous hante assez vite. C'est elle qui anime le désir qu'on a du film. C'est elle qui anime les images ; à moins qu'elle ne les envenime, au contraire - on ne sait pas. Quelque chose pourrit quelque part, quelque chose prend feu, quelque chose vibre bien, quelque chose hurle, et tout ça est séparé, sans point de jonction.

Aucun commentaire: