samedi 7 mars 2009

Harvey Milk - Milk - Gus Van Sant



Le film a pour lui l'énergie incroyable de celui qui aime ce qu'il dit et ce qu'il montre. Les scènes de baisers sont extraordinaires, et GVS travaille avec la matière réelle, iconique, culturelle, et cinégénique de ses acteurs. Réelle : un homme physiquement marqué entouré d'êtres jeunes (et le passage de cette jeunesse dans le corps plus usé de Penn, sous forme d'énergie et de popularité). Iconique : comme dans Elephant, le choix d'une certaine beauté, de canons particuliers, ayant plus trait à la grâce qu'à la perfection (la religion ou la peinture, plus que la mode). Culturelle : Penn est le démocrate, Hirsch est son acteur héroïsé, Josh Brolin est George W. Bush. Cinégénique : il s'agit de donner aux plans un mouvement qui a à voir avec la beauté, et avec la connaissance de celle-ci - de laisser interagir les puissances en présence.
C'est un film qui a la passion de l'autre, qui vient trouver en chacun de ses acteurs une chose formidable et belle, et qui la glorifie. Tout le monde, dans le film, est regardé (sauf peut-être Rico, bizarrement cadenassé dans une direction sans grand relief) de Sean Penn à JamesFranco, en passant par Emile Hirsch (génial), jusqu'à Josh Brolin - et c'est là que GVS réussit son film : Josh Brolin n'est pas le méchant, mais il est, de tous, le plus opaque. Milk contre White, c'est l'éclat contre le mystère, l'évidence contre le trouble. Le film joue de ces différents niveaux d'opacité d'être et de clarté (Milk a aussi sa part). On est loin d'un cinéma manichéen, explicatif, avec des notes d'intention à chaque scène.
Le ton est donné dès le début - l'euphorique scène de rencontre entre Penn et Franco. Pour moi, c'est là que se trouve le cinéma de GVS - dans les trois premiers morceaux de la tétralogie, toujours l'homosexualité me semblait poser problème (violemment dans Last Days, avec le plan de coupe sur le baiser entre le blond et le brun qui faisait sens de manière immaîtrisée ; grossièrement dans Elephant, où les caresses sous la douche étaient intercalées entre un jeu vidéo violent et un documentaire de propagande nazie ; lourdement dans Gerry, au sens d'un silence lourd, pesant) - et là, dans Milk, l'homosexualité est régnante, elle n'est plus le sujet larvé, elle est la donnée fondamentale de toute scène. Si bien qu'alors tout peut s'y dire et s'y déployer, l'existence des uns, la tragédie des autres, et le génie de tous, comme dans My own private Idaho, autre grand film lyrique sur l'utopie, plein de joie et de cinéma.

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