Il lui faut des bouchons, des couvertures, quelques fausses Jocondes, des boîtes de conserve, un tub, des laisses, et une porte. C'est tout ce dont a besoin Nicolaï Kolyada pour raconter l'histoire de Hamlet.
La porte est essentielle. Au fond de la scène, elle annonce l'irruption boulevardière de personnages incandescents, et l'ouverture sur le rêve ou la vision. La scène est protégée par des murs croulant sous des tableaux, et par la porte on aperçoit tout un Royaume, quelques fantômes aussi. Protégée, ou comprimée - c'est une cocotte minute. Les êtres qui y passent entrent en ébullition.
Ce qui se produit sur scène est ahurissant. Cela relève de la danse, de la transe, du rituel vaudou. Les trente premières minutes sont presque sans dialogue. Les acteurs dansent le nouveau règne. Paganisme ritualisé, débauche joyeuse et minuscule : on se verse un seau de bouchons sur la tête, mais on le fait cent fois, et c'est à chaque fois plus intense, plus lubrique. et puis on range, vite, pour tout recommencer demain. Le spectateur se prend à observer comme de très loin une peuplade inconnue aux moeurs absolument étrangères, qui caresse les seins des Jocondes multipliées, se passe des bouchons de bouche à bouche, se tient par la laisse et gémit. Kolyada a choisi d'ouvrir ainsi son Hamlet - il lui fallait représenter le nouveau Royaume, décrire son existence, ses codes minimaux mais persistants, du moins jusqu'à la représentation des comédiens, véritable irruption de la conscience malheureuse dans une pièce qu'on redécouvre.
Car on redécouvre Hamlet. Quand le texte revient, l'histoire se met en place, on reconnaît les morceaux qu'on aime, et on les voit différemment, transformés. Hamlet n'est plus cette grande tige grinçante, c'est un jeune homme dansant, farceur, déjà contaminé, lui aussi, par les codes du nouveau Royaume. Son père lui apparaît, avec des ailes d'ange sur le dos, un t-shirt à l'effigie de Jésus-Christ, et un fil rouge autour de son doigt - c'est Kolyada lui-même qui joue ce rôle, se glissant dans les scènes, rasant les murs avec sa présence à la fois bachique et lunaire.
Hamlet, c'est Oleg Yagodine, diablotin véritable crevant de rage et de douleur - mais de désir surtout, et c'est bien ce désir qui parcourt la pièce d'un bout à l'autre, et qu'on entend si justement. Un désir trop clair qui perce dans l'idiotie générale - qui n'exclue pas l'idiotie, mais qui la dépasse. On finit par comprendre que l'existence de Hamlet ne va pas contre le monde - elle en naît, et grandit tellement vite qu'elle abolit ce monde. Alors on est ému par des mots qu'on connaît et qui prennent une autre couleur, et surpris par le dénouement pourtant attendu.
La porte est essentielle. Au fond de la scène, elle annonce l'irruption boulevardière de personnages incandescents, et l'ouverture sur le rêve ou la vision. La scène est protégée par des murs croulant sous des tableaux, et par la porte on aperçoit tout un Royaume, quelques fantômes aussi. Protégée, ou comprimée - c'est une cocotte minute. Les êtres qui y passent entrent en ébullition.
Ce qui se produit sur scène est ahurissant. Cela relève de la danse, de la transe, du rituel vaudou. Les trente premières minutes sont presque sans dialogue. Les acteurs dansent le nouveau règne. Paganisme ritualisé, débauche joyeuse et minuscule : on se verse un seau de bouchons sur la tête, mais on le fait cent fois, et c'est à chaque fois plus intense, plus lubrique. et puis on range, vite, pour tout recommencer demain. Le spectateur se prend à observer comme de très loin une peuplade inconnue aux moeurs absolument étrangères, qui caresse les seins des Jocondes multipliées, se passe des bouchons de bouche à bouche, se tient par la laisse et gémit. Kolyada a choisi d'ouvrir ainsi son Hamlet - il lui fallait représenter le nouveau Royaume, décrire son existence, ses codes minimaux mais persistants, du moins jusqu'à la représentation des comédiens, véritable irruption de la conscience malheureuse dans une pièce qu'on redécouvre.
Car on redécouvre Hamlet. Quand le texte revient, l'histoire se met en place, on reconnaît les morceaux qu'on aime, et on les voit différemment, transformés. Hamlet n'est plus cette grande tige grinçante, c'est un jeune homme dansant, farceur, déjà contaminé, lui aussi, par les codes du nouveau Royaume. Son père lui apparaît, avec des ailes d'ange sur le dos, un t-shirt à l'effigie de Jésus-Christ, et un fil rouge autour de son doigt - c'est Kolyada lui-même qui joue ce rôle, se glissant dans les scènes, rasant les murs avec sa présence à la fois bachique et lunaire.
Hamlet, c'est Oleg Yagodine, diablotin véritable crevant de rage et de douleur - mais de désir surtout, et c'est bien ce désir qui parcourt la pièce d'un bout à l'autre, et qu'on entend si justement. Un désir trop clair qui perce dans l'idiotie générale - qui n'exclue pas l'idiotie, mais qui la dépasse. On finit par comprendre que l'existence de Hamlet ne va pas contre le monde - elle en naît, et grandit tellement vite qu'elle abolit ce monde. Alors on est ému par des mots qu'on connaît et qui prennent une autre couleur, et surpris par le dénouement pourtant attendu.
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