dimanche 3 octobre 2010

Vittorio de Seta



Vittorio de Seta est un explorateur sans voyage. Fort des expériences de Jean Rouch ou de Robert Flaherty, il resta chez lui, et observa ce qui allait disparaître. Il fit de son pays une terre inconnue, et tenta de la révéler par l’image et le son : chants populaires, description des gestes d’un métier, observation du paysage et de la lumière dans lesquels ces histoires s’inscrivent. Pas de commentaires, sauf au début des films, sur des cartons, en matière d’exposition. Il y a, chez Vittorio de Seta, une véritable qualité dans la saisie du temps qu'il fait, que ce soit l'hiver des Bergers d'Orgosolo, la tempête des Iles de feu, ou l'été de La parabole d'or. Le ciel est à chaque fois un événement pictural. Les couchers de soleil donnent aux films un caractère plus légendaire qu'illustratif ou publicitaire. Le problème tient d'ailleurs à cette atmosphère de légende qui hante les dix courts-métrages du coffret proposé par Carlotta. Le cinéaste semble parler de vies déjà perdues, de traditions oubliées. Et pourtant, il les filme. Il n'y a pas de présent dans les images de De Seta. Il n'y a presque pas d'urgence. Tout est déjà joué.

De Seta est un peintre, quelque part entre Troyon et Millet. Mais à l’inverse de Rouch, qui fait des tableaux avec du quotidien, le cinéaste italien fait du quotidien avec des tableaux. Comme si la matière était donnée d’avance, comme si la beauté n’était pas à conquérir. Les images de ses films, aux couleurs saturées, presque figées, ne semblent rien dire d’autre que « c’est compliqué de vivre ici », « il chante », « il y a du vent », « la ville est loin »… Il y a une littéralité de l’image qui confine au maniérisme – à la pose, croit-on parfois, quand les captations documentaires sont trop ouvertement préparées et mises en scène.

Le problème est peut-être là : Rouch a été choisi par son sujet, tandis que de Seta tente de faire quelque chose (de faire sujet) avec ce qui est à sa portée. Noble intention, mais il manque quelque chose, un rapport entre le documentariste et ce qu’il documente, plus d’échanges, d’interventions. A l’issue des dix courts-métrages, on se pose une question : qu’ont apporté les documentaires de de Seta aux hommes qu’il filmait ?


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