Le premier plan : un lac, un siphon par lequel l’eau du lac est aspirée. C’est cette perte, cette captation d’énergies, de ressources et de matières, que James Benning a décidé de mettre en scène dans El Valley Centro.
L’eau vient se disperser dans les paysages géométrisés. Elle a été apprivoisée. En jeu, sa répartition : qui obtient quoi et contre quoi ?
Il y a deux principes fondamentaux liés à l’eau : nourrir et amuser. Benning montre ces deux résultantes sur lesquelles repose la société californienne.
Une vallée, c’est une surface plane – c’est un plan où tracer les lignes les plus longues et les moins contrariées, où réaliser tous les fantasmes linéaires d’une civilisation.
Dans ces paysages irrigués, Benning saisit ce qui brûle : mégalomanie, démesure, volonté d’ordonner – autant d’images d’une consomption à grande échelle.
El Valley Centro, c’est le portrait d’une civilisation par sa périphérie. Le film sous-entend les grandes villes que l’on sait, sans jamais les montrer. Il montre ce qu’il y a autour, qui maintient les villes en état de fonctionnement. Il montre la façon dont l’espace autour des villes, qu’on pouvait penser sauvage, a été domestiqué (ou presque : de temps en temps, un feu, une tempête). L’immensité d’une élaboration très complexe, pour l’éclosion de quelques mégalopoles-champignons.
Benning révèle la nature des grandes villes capitalistes par la façon dont elles subviennent à leurs besoins. Il révèle une idéologie par son inscription dans le paysage.
Il y a dans El Valley Centro un plan sur des collines où l’on voit une série d’éoliennes. Ce plan résume à lui seul l’intention de Benning : la tentative, par la multiplication d’essais fixes mais attentifs, de capter les trajectoires de ce qui circule et qu’on ne voit pas. La grande question du film, c’est « où ? » Où s’en va ce que nous voyons disparaître ? Il y a rarement des films aussi pleins de hors-champs.
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