dimanche 12 octobre 2008

La belle personne - Christophe Honoré



Le film croule sous le poids des nostalgies qu'il convoque - Godard période Anna Karina, Demy, Truffaut, les grands classiques de la littérature, les chansons populaires, le lycée... et sans doute cette manière de venir ré-instituer ce qu'on a couvert de poussière est suspecte. Comme si Honoré voulait à tout prix se placer du côté de l'institution, c'est-à-dire du côté du père, et avait droit de vie ou de mort sur ses sujets/motifs. Comme s'il tenait absolument à opérer ce retournement : devenir le père de ce qui l'a enfanté - opération qui ne fait qu'inverser l'ordre des choses, au lieu d'en extraire le film (voir à ce sujet le magnifique Frownland de Ronald Bronstein, seul et déshérité, sans possible filiation ni paternité).

Pourtant, La belle personne est un film charmant (si la première demie heure me paraît plus charmeuse que charmante, voire racoleuse, un rapport délicat finit par s'instaurer entre le film et le spectateur), doux, habité par des acteurs elfiques (Léa Seydoux apporte à elle seule une liberté fondamentale au cinéma d'Honoré, Clotilde Hesme a cette robustesse mystérieuse qui distingue les grandes actrices des appliquées, Louis Garrel y est aussi juste que chez son père (tiens tiens, l'opération aurait-elle réussi ?), et même Leprince-Ringuet s'en sort aisément) - mais c'est comme si Honoré manquait de cette transparence propre à la Princesse de Clèves, cette volonté de tout dire de Junie. Peut-être la transparence est-elle perçue comme une qualité plus que comme un attribut, comme une essence plus que comme un travail (notion visiblement abhorrée par Honoré). En tout cas elle rate : le film est confus, le réalisateur esquive encore trop, bâcle des pans entiers de son scénario (alors pourquoi en écrire un ? peut-être parce que c'est, comme la permission de minuit, la seule autorisation personnelle qu'Honoré ait trouvé pour faire un film), ne se résout ni tout à fait à la narration, ni complètement au style (réactivant ainsi cette césure peu fertile entre l'une et l'autre). Si bien que ses enfants d'élection l'engloutissent toujours un peu, reprenant par instants leur place d'origine.
Au contraire de Junie, qui, en travaillant rigoureusement à sa survie, devient plus que princesse, une belle personne. Trop de désinvoltures contraignent le cinéma d'Honoré à être toujours en dessous de ce qu'il vise. C'est la liberté telle qu'un adolescent se la représente : une attitude.

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