vendredi 10 octobre 2008

Tous en scène - The band wagon - Vincente Minnelli



Au début, un peu rebuté par la dialectique échec/succès que le scénario met en place, je me suis dit que ça n'allait pas prendre, que j'allais rester en dehors, que j'étais venu voir Tous en Scène comme on vient voir un monument - c'est à dire 'pour le voir', sans avoir grand chose à y faire, sans trouver de place pour soi dans cet espace déjà conquis, faisant plus figure de symbole que de film en-soi. Le public n'aidait pas : fans octogénaires de Fred Astaire venus nombreux, ils riaient à chacun de ses cabotinages poussiéreux.

Mais quand même, j'admirais le travail de Minnelli, ses cadres, ses couleurs, ses tableaux incroyables, surchargés, festifs. Je restais, parce que derrière le symbole, je discernais un auteur.
Et puis, il a suffi d'une scène. Astaire et sa co-vedette ne s'entendent pas très bien. Un soir, alors que la répétition de la pièce qu'ils préparent a été interrompue, ils décident de faire un tour ensemble dans Central Park. Ils se promènent, ils voient ce qu'ils n'ont pas vu depuis des semaines, des gens, des bancs, des arbres, et ils s'en émerveillent, mais le monde leur résiste, ils ne se rappellent plus en avoir fait partie. Ils traversent, en marchant, une foule de danseurs du dimanche. Aucun frisson ne les saisit. Leur rythme ne change pas. On aurait pu s'attendre à un nouveau numéro, à ce que la grand entente (danser ensemble) survienne enfin à ce moment-là, mais non. Minnelli est plus intelligent que ça. Il les laisse marcher, las. C'est plus tard, seuls, une fois que tout a été dit, que le duo va se mettre à danser, à l'ombre des buildings survolant les arbres du parc. Sans public. Une danse pour eux seuls. Et là, dans cette danse qui vient trop tard, il y a de la grâce - une grâce échappant aux codes du genre, échappant au monumentalisme de l'ensemble. Il y a ce que j'ai cru être une vérité. Mais c'est plus que cela : c'est une clef. Une clef venant ouvrir le film aux sceptiques, en libérant toute la folie, toute l'émotion, toute la densité de Tous en Scène. La danse, soudain, avec ou sans claquettes, devient absolument évidente.
Au début, ces visages convulsés de danseurs sur le retour ne m'inspiraient rien - après cette scène, je voyais là de la joie. Une joie certes un peu travestie, policée, formatée, mais une joie vraie (c'est à dire nécessaire), qui parvient au final à briser la forme du film. Minnelli, dans la dernière demie-heure, semble littéralement perdre la raison. Tous en Scène devient étrange, inidentifiable, à la limite de l'illisible, emporté par un délire généreux, par une frénésie de l'ordre de la survie.

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