lundi 27 octobre 2008

Mesrine, l'instinct de mort - Jean-François Richet



Si j'avais été paranoïaque, j'aurais pensé que tout avait été fait pour que je n'aille pas voir ce film. Que les producteurs, en réfléchissant à leur cible, s'étaient dit : "tout le monde, sauf lui". Cécile de France et Vincent Cassel, pour moi, c'est comme Marie Gillain et Cali, c'est de l'ordre de l'impensable (du magique, disons). Un biopic qui plus est, et en deux parties. Mais voilà, aux commandes : Jean-François Richet. J'avais détesté De l'amour, mais aimé Etat des lieux et Ma 6T va crack-er. J'étais titillé. Quelques critiques ont mis le feu aux poudres. J'y suis allé. Je ne regrette pas.
Mesrine, l'instinct de mort, c'est clairement du cinéma. Le tout début, c'est De Palma, la prison, c'est Carpenter (L'antre de la folie), les braquages, c'est Scorsese, et la virée aux Etats-Unis, c'est un hommage aux décors des films hollywoodiens des années 70 rendant eux-mêmes hommage aux westerns. Richet est cinéphile tendance outre-Atlantique, et il assume. Son film est une déclaration d'amour claire et nette : son cinéma est de ce côté-là.
Quand Mesrine dérape, c'est plutôt du côté de l'Algérie (trop rapide, trop facile, trop explicatif), et du côté du père (dialogues apocalyptiques, raccourcis psychologiques rances). Ce sont d'ailleurs les seules scènes qui n'ont pas d'identité visuelle : Richet travaille ses ambiances et ses cadrages, rendant l'image souvent complexe, par le biais de miroirs, de premiers plans filtrant l'action, de split-screens inventifs - mais pour l'Algérie et le père, rien. Fadeur. Restes français mal digérés. Retours de la Grande Histoire tue et de la petite affaire privée.
Peu importe. Les sorties sont fréquentes, mais les entrées aussi. On a l'impression que les scènes s'éliminent les unes après les autres, que la vie est plus affaire de tranches que de flux, que rien n'est retenu (et que donc tout s'emporte). C'est un cinéma qui affirme sa force spectaculaire, jusqu'à nous donner la fin dès le début, jusqu'à rendre palpitantes des scènes dont on connaît l'issue, jusqu'à s'octroyer une digression espagnole magnifique, et une romance entre brutes. Un film haletant, bien joué. Cassel, quand il se tait, est animal sans jouer à l'être ; Cécile de France est une braqueuse suffisamment incongrue pour être crédible ; Depardieu, dès sa première scène, fait trembler l'écran dans un numéro de passe-passe et d'intimidation magistral.

Mesrine, c'est l'aventure d'un truand minable et superbe, et c'est aussi une aventure de cinéma. L'histoire d'un homme, Richet, qui a eu tous les moyens désirés pour faire un vrai grand film français populaire et spectaculaire n'ayant rien à envier aux américains, et qui veut se montrer à la hauteur de son rêve - et qui y parvient. C'est aussi la limite du film. Celle d'être un rêve - ou plutôt la copie exacte, brillante d'un rêve, duquel rien n'échappe.

1 commentaire:

Cathedrale a dit…

J'ai passé la moitié de la nuit à vous lire, et j'en veux ENCORE!
merveilleuse critique, vous m'avez donné envie de le revoir.
merci