dimanche 5 octobre 2008

Lumière silencieuse - Stellet licht - Carlos Reygadas



Il y avait jusqu'à ce film quelque chose de contrit chez Reygadas, qui m'avait toujours laissé un peu froid, voire suspicieux. Quelque chose dans le personnage principal de Japon que je ne pouvais m'empêcher de haïr, parce qu'il ramenait la beauté absolue de chacun des plans à une sorte d'attitude civile, citadine, étroite. Quelque chose d'emphatique dans l'histoire de Bataille dans le ciel m'avait laissé sur le carreau. Je n'avais jamais trouvé ça trop long ou ennuyeux, mais c'était une certaine vi
sion de l'homme en parasite inculte et névrosé, laid et dégueulasse, qui me paraissait un peu gratuite, ou vide, et contaminait chaque plan, au point d'éteindre leur beauté formelle.
Dans Lumière Silencieuse, Reygadas semble prendre une certaine distance avec cette contrition, ce sérieux absolu, cette pesanteur, ce dolorisme, en mettant tout cela en scène au travers d'une communauté religieuse. Ainsi représentés, les travers du cinéaste se décalent.
Reygadas ne juge plus, et l'introduction de la figure de l'enfant dans son cinéma n'y est sans doute pas pour rien. Il observe. A la façon d'un Mallick, c'est-à-dire à ras terre, au niveau des hommes, de leur pas. Le cinéaste ne se prend plus pour Dieu. Mais il ne cesse pas pour autant de le traquer. Il marche avec les hommes, au lieu de les surpendre d'en haut. Sa rigueur devient alors éblouissante, parce qu'elle se change en patience, inventivité, et foi. Elle se débarrasse de tous ses oripeaux grandiloquents, sans renoncer au sublime. Au lieu de le mimer, d'en reproduire les gestes appris par coeur dans les musées et les cinémathèques, Reygadas ouvre des choses nouvelles, prend en compte le mouvement, le désordre, le bruit, les acteurs, leur beauté terrienne (on pense à Dumont dans cet appétit nouveau pour les visages forts). Et c'est peut-être parce qu'il est parti de cette vie infîme, minimale, de la communauté mennonite - peut-être parce qu'il avait plus à cacher qu'à montrer - que son film me convainc davantage que les précédents.
C'est du grand cinéma. Lumineux. Assourdissant. Mais qui nous fait entendre et voir. Le film agit comme une tornade lente.

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