Alors bon, les vingt premières minutes, ça va. Je me suis dit, ça va. Je me suis même dit, ça ressemble au début du dernier Coen, pas de paroles, juste des actions, on regarde des hommes faire des choses, ça me plaît. L'image bave un peu, mais ça me plaît. La musique est bien lourde, mais ça me plaît. L'action que Paul Thomas Anderson (PTA, abrégeons) choisit de nous montrer est constituée seulement de temps forts, mais ça me plaît. La lampe rouge qui tache, la sirène, la nappe qui englobe bien l'ensemble, les chutes à répétition, les corps broyés, je suis passé au-dessus, j'ai dit d'accord, j'ai fait un pacte avec PTA, j'ai accepté de prendre son film pour ce qu'il était, un essai de cinéma, un spectacle, une sauce béarnaise, j'ai dit d'accord. D'accord, même si sur la solitude, sur l'espace, sur l'attente, sur l'effort, sur la fatigue, il n'y a rien. Il y a le budget pour la cascade, mais pas pour le mec tout seul en train de creuser son trou. Tant pis.
Et puis, le film a commencé à devenir parlant, à multiplier les personnages et les situations, lancer des thèmes nouveaux et des trames narratives nouvelles à chaque scène, argent, paternité, religion, le pasteur, l'enfant, la société pétrolière, le frère, et, d'un seul coup, ça a été la fin. J'avais un peu d'énergie en rentrant dans la salle, plus du tout en sortant, le film avait tout pompé, effet vampirisant, deux heures sous morphine, deux heures à regarder un acteur qui veut nous prouver qu'il
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Parce que le cinéma, PTA, ça le fait chier, au fond. Au fond, PTA n'aime pas le cinéma. Raconter une histoire, très peu pour lui. Rendre des situations vraisemblables, non merci. Non, PTA, c'est un cinéaste qui se sert. Il prend un livre, il prend un acteur, et si tout à coup il se rend compte que telle scène violente paraît incohérente, il en colle une juste avant où le personnage nous explique qu'il a envie de tuer tout le monde. Mais là encore, non, le personnage n'est pas seulement capitaliste, intéressé, obsédé, non, il faut qu'il soit misanthrope, et qu'il le sache, et qu'il le dise, pour qu'ensuite il puisse filer des claques à des personnages sans qu'on se demande pourquoi, la nature du conflit, ces choses futiles de cinéphile mal-embouché.
La claque, c'est un truc qui lui plaît, à PTA. Parce que ça ressemble à un applaudissement, et en même temps ça fait mal. PTA, il est construit comme ça. Le plaisir passe par la douleur. La gloire par la rédemption. PTA, il aime bien Dieu. Non pas qu'il croit en lui, juste qu'il voudrait lui ressembler. Il voudrait dire à Job, souffres, et tu gagneras peut-être (sourire sadique du démiurge en rut) le royaume des cieux. Entendre Jésus hurler, mon Dieu mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?, et ne pas répondre, laisser errer. La souffrance, PTA, ça l'excite.
PTA, en plus, c'est un utilitariste. Un petit vicelard, qui sait très bien ce qu'il fait, et qui nous fait croire le contraire. Il nous fait croire à l'ambigüité, il nous dit les capitalistes sont malades, il nous dit les croyants sont malades, mais surtout il nous dit moi je suis plus sain qu'eux, et je vais soigner les malades en leur mettant des claques dans mes films. Mais au fond, PTA, il aime bien les dollars, mais il aime encore plus Dieu. Le capitalisme, c'est la main qui le branle, Dieu, c'est son sperme qui gicle. Et son cinéma, c'est le Kleenex qui nettoie sa petite affaire.
PTA, il se croit au-dessus du cinéma, Altman lui a dit qu'il était un génie (le film lui est dédié), il y a cru. There Will Be Blood, c'est un best-of d'auteur. Les meilleurs moments de PTA, sur une musique d'Arvo Part et Johnny Greenwood. A gerber.
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