Le parcours d'un corps mourant, une nuit. Ce passage, presque inconscient, d'hôpital en hôpital, à Bucarest, donne à Lazarescu la place de l'observateur, comme Dante, aux Enfers, guidé par Virgile. Un corps révélateur.
Une femme, un coeur d'or, l'accompagne. Accompagner prend ici un sens déchirant : elle conduit l'ambulance, donne au corps du vieillard la mobilité qu'il ne peut trouver lui-même, lui offre son dernier voyage. Cette femme s'engage, une nuit entière, pour délivrer son corps de la souffrance qu'il ressent, et lui permettre de mourir au lieu juste.
L'amour est connaissance. Elle sait qu'il faut l'opérer, mais ce n'est pas son rôle de le dire. L'aimer est un combat. Il s'agit pour l'accompagnatrice de le révéler opérable auprès des responsables. Amour d'une nuit.
Le film de Cristi Puiu dessine plusieurs cercles, que l'on peut tenter de définir :
- familial d'abord, coups de téléphone et mandats, relations pécuniaires et morales ("tu ne devrais pas boire / mais c'est mon argent que je bois"), qui finalement ne le rejoindront pas ;
- voisinage, où la décence doit être respectée (il faut tuer les chats, ils laissent des poils partout et pissent dans la cage d'escalier, et la poussière sur les journaux qui s'accumulent, et les médicaments qu'on leur prête et qu'ils ne nous remboursent jamais) ;
- intime : l'alcool, les chats, la télévision poussée à fond - Lazarescu devra abandonner le quotidien ;
- les urgences : lieu moral (cet homme mérite-t-il plus qu'un autre d'être sauvé ?... alors qu'après l'opération de son ulcère il a continué à boire) ;
- le premier hôpital : diagnostic, radioscopies - lieu amical où le mal est nommé, la vérité dite ;
- le second, opératoire, où la hiérarchie et les procédures, n'étant pas respectées, empêchent l'opération - lieu moderne où l'on se coiffe et recharge les portables ;
- le troisième, endormi, lent, ectoplasmique, où l'on peut abandonner l'homme à sa mort, le nettoyer, le raser, l'opérer enfin, enfreignant le protocole, même si ça ne sert à rien.
C'est un cinéma puissant, qui convoque mille lieux autour d'un corps (on pense au livreur de pizza de Téhéran de Sang et or). Il y a un parcours, une aventure, des portraits de quelques minutes révélant l'ordre social, politique, économique d'une ville. C'est un glissement ivre vers la mort.
Une femme, un coeur d'or, l'accompagne. Accompagner prend ici un sens déchirant : elle conduit l'ambulance, donne au corps du vieillard la mobilité qu'il ne peut trouver lui-même, lui offre son dernier voyage. Cette femme s'engage, une nuit entière, pour délivrer son corps de la souffrance qu'il ressent, et lui permettre de mourir au lieu juste.
L'amour est connaissance. Elle sait qu'il faut l'opérer, mais ce n'est pas son rôle de le dire. L'aimer est un combat. Il s'agit pour l'accompagnatrice de le révéler opérable auprès des responsables. Amour d'une nuit.
Le film de Cristi Puiu dessine plusieurs cercles, que l'on peut tenter de définir :
- familial d'abord, coups de téléphone et mandats, relations pécuniaires et morales ("tu ne devrais pas boire / mais c'est mon argent que je bois"), qui finalement ne le rejoindront pas ;
- voisinage, où la décence doit être respectée (il faut tuer les chats, ils laissent des poils partout et pissent dans la cage d'escalier, et la poussière sur les journaux qui s'accumulent, et les médicaments qu'on leur prête et qu'ils ne nous remboursent jamais) ;
- intime : l'alcool, les chats, la télévision poussée à fond - Lazarescu devra abandonner le quotidien ;
- les urgences : lieu moral (cet homme mérite-t-il plus qu'un autre d'être sauvé ?... alors qu'après l'opération de son ulcère il a continué à boire) ;
- le premier hôpital : diagnostic, radioscopies - lieu amical où le mal est nommé, la vérité dite ;
- le second, opératoire, où la hiérarchie et les procédures, n'étant pas respectées, empêchent l'opération - lieu moderne où l'on se coiffe et recharge les portables ;
- le troisième, endormi, lent, ectoplasmique, où l'on peut abandonner l'homme à sa mort, le nettoyer, le raser, l'opérer enfin, enfreignant le protocole, même si ça ne sert à rien.
C'est un cinéma puissant, qui convoque mille lieux autour d'un corps (on pense au livreur de pizza de Téhéran de Sang et or). Il y a un parcours, une aventure, des portraits de quelques minutes révélant l'ordre social, politique, économique d'une ville. C'est un glissement ivre vers la mort.
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